Il faisait nuit. Véra ferma sa porte avec sa clef électronique ( j'ai sauté le passage sur ma maman? j'y décrivais son appartement zen et c'était chiant) et ils empruntèrent l'escalier métallique en colimaçon (on habite dans le même quartier) pour descendre du support rack. Dehors il faisait frais: les températures hivernales se souvenaient de l'aphélie dans l'obscurité.
Morphée suivait sa mère qui marchait vite, toujours à grandes enjambées de running-addict.
Elle s'arrêta. Sa longue ponytail fouetta le parking tandis qu'elle hésitait: - Où ai-je bien pu me garer? Morphée se mit à sourire. Comme d'habitude.... Ce devait être ses deux heures de flou quotidien. Il avait vu ça dans un documentaire ... un gars comme toi, élevé aux documentaires scientifiques, aux reportages historiques, aux visioséminaires gratuits des universités mondiales. ça revenait en compulsion de manière cyclique chez lui, comme beaucoup de ceux de sa génération : leur méthode d'apprentissage était en effet basée sur un mode en hyperfocus, où durant un laps de temps déterminé, ils s'investissaient à fond dans un domaine extrêmement précis. La même démarche se retrouvait pour l'acquisition de compétences professionnelles : la société du XLème siècle était extrêmement mobile, mondiale, et avait su trouver un équilibre entre patrimoine technique et innovation : les jeunes devaient acquérir des savoirs-faires artisanaux ancestraux et savoir manier des technologies expérimentales ou de pointe. Pour réussir ce grand écart, l'accent était mis sur l'apprentissage pratique, mais pour cela, ils devaient baigner dès le plus jeune âge, dès l'école maternelle, dans un bon terreau. Hyperfocus ta vie. Deux heures de flou donc par jour si l'on additionne tous les moments où notre nerf optique n'a pas fonctionné parfaitement.
- Ah ça y est! dit-elle abrupte de joie, en pivotant brusquement : et elle fila en comète vers son Pal-V. Le petit coffre logea à peine nos sacs de voyage. Ce buggy noir à trois roues avec son balancier de pâles au-dessus et ses deux ailerons aluminés derrière l'accueillirent plutôt bien. Il trouva un plaid en cachemire sur le siège passager et s'installa avec plaisir dans le garnissage crème. Des écrans noirs avec des pads bleues et verts commencèrent à s'allumer sous les doigts de fée de sa mère... Morphée pensa à son plaisir de s'y chiller.
- Combien d'heure de vol avons-nous? demanda t-il. Elle vérifiait son plan de vol.
- Bien. On va pas très loin de Stockholm. J'ai vérifié les conditions météo, mon pal n'est pas vraiment adapté pour des conditions polaires. Il fait 9°, avec un vent à 19km/h.
- Mais c'est le printemps partout en Europe, alors ne t'en fais pas trop. Et elle le regarda en souriant sans le croire. - J'ai connu des printemps polaires aux îles Falkland et à Charlottetown.
- Ce n'est pas en Europe.
- D'accord ça ne compte pas. Pourtant à l'école au cycle 1 on a supprimé la ronde des saisons. Il est rare qu'il neige en Hiver à Guise et on a connu des gelées au mois d'Avril. Elle démarra le rotor avec une check-list experte et Morphée sentit le plan horizontal vibrer puis ce fut au-dessus de leur tête.
La Faucheuse calme chinta et l'hélice les emporta, aussi légers et inaudibles que des bulles, au-dessus du Support Rack, puis ils tanguèrent en filant au-dessus du palais social illuminé de leds, avec ses longues ombres colorées et joyeuses. La petite ville tranquille de Guise s'éloigna tandis qu'ils plongèrent dans les profondeurs au-dessus de l'Avesnois et de la longue forêt de Mormal. - Je peux mettre de la musique?
- Comment ma mère gère!
Alors qu'il pensait sombrer lui aussi, il fut stimulé par cette nuit un peu effrayé aussi. Comme une montagne russe. Les mêmes lumières, un survol qui est un vrai voyage, une navigation. surtout de nuit, ça demande un grain de folie ou une parfaite connaissance. ais j'ai confiance. Ma mère est une housewive de trois siècles. Celle qui a l'habitude avec les enfants et les ados. Qui n'en est pas à son premier. Et pourtant chacun est unique. Ses autres enfants sont un sujet un peu à éviter. Tu peux lui demander tout ce que tu veux sur eux, elle te répondra. Elle est touchante mais je vois la tristesse alors je ne creuse pas trop le sujet. Ils se marrèrent, Morphée se moquant de sa playlist de jazz en faisant du tutting avec ses doigts magiques. Puis elle commença à se diriger vers la droite, à l'ouest, toujours au-dessus de la foret, mais on longeait alors la mer du Nord
et il mit sa playlist. C'était issu de ses dernières visites dans l'Echcocave, une application cubide qu'il avait installé chez lui et qui lui permettait d'entrer en 3D dans ce qui ressemblait à une ville numérique uniquement composé de cathédrales, ou de temples, de tout style, de la grotte au club. On pouvait localiser les gûrû, des musiciens résidents qui voient l'opportunité dans le danger.... on s'abonne,on échange, on découvre.... tu peux devenir un guru à partir de 3 000 abonnés.
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LE JOURNAL DE MORPHEE
Science FictionMorphée Si ta vie n'était qu'un rêve, à quoi ce rêve te préparerait?