Fashion Victim

1. Tout commence

-Claraaa! Aleeeex! nous cria notre mère depuis l'étage inférieur.

-Quoi? lui répondit-on en coeur, aussi fort qu'on le put.

-Descendez! J'ai besoin de vous!

On soupira en même temps. Oui, on faisait tout en même temps pour la simple et bonne raison qu'Alex était mon double, mon frère, mon jumeau. Inséparables depuis notre naissance, on nous appelait même parfois les siamois. Ce surnom me dérangeait, mais ils avaient raison, on était constamment collés l'un à l'autre. Pourtant, les ressemblances n'étaient pas faciles à remarquer; Alex était grand, avait les cheveux châtain, des yeux verts et une musculature à faire baver les filles. Quant à moi, j'étais plutôt petite, avais les cheveux blond, des yeux bleus et n'étais pas particulièrement musclée. Je tenais de notre mère, à ce qu'on me disait, contrairement à mon frère qui tenait de notre père. Bref, voilà, les présentations faites, je n'allais pas m'attarder plus longtemps sur notre physique, proche de celui d'un top model comme disaient nos parents (je n'avais pourtant jamais pu savoir s'ils disaient ça pour plaisanter). Parfois je me demandais où ils allaient chercher tout ça...

On descendit donc en même temps pour aller vers notre mère, qui avait visiblement besoin d'aide. Nous la trouvâmes dans la cuisine, en train d'astiquer l'évier avec détermination. Le ménage était pour elle un véritable culte. Parfois je me laissais même convaincre qu'elle faisait partie d'un milieu sectaire, voué à la propreté. Cette théorie pouvait tout à fait tenir debout, mais je préférais ne pas l'imaginer avec un gourou, adepte du ménage.

-Tu veux encore qu'on t'aide à nettoyer, c'est ça? lui demanda Alex d'un ton blasé.

-Non, enfin pas directement. J'aurai besoin de vous pour m'aider à aller chercher tout ce dont j'ai besoin en produits de nettoyage, au centre commercial. Tous les autres magasins sont fermés, et d'ailleurs il faut qu'on se dépêche si on ne veut pas qu'ils nous ferment les portes au nez!

-T'as vraiment besoin de nous? l'interrogeai-je. Il pleut des cordes dehors, on pourra y aller demain!

-Demain on est dimanche, ma belle, et le magasin sera fermé! rétorqua ma mère. Allez, préparez-vous et montez dans la voiture!

Impossible de négocier avec elle; son ménage venait bien avant le bonheur de ses propres enfants, dans sa pyramide des priorités. Je fis donc demi-tour, sortis de la cuisine, et me dirigeai vers mes converses en traînant les pieds. Après les avoir enfilées, je pris une veste et allai m'installer dans la voiture. Alex s'installa devant, comme à son habitude. Notre mère tourna les clés de contact et démarra en trombe. Elle accéléra autant qu'elle le put, en grillant même un feu rouge. Quand je pensais qu'elle faisait tout ça pour son ménage...

À peine se fut-elle garée dans le parking souterrain vide, qu'elle ouvrit violemment sa portière - qui se referma dans son élan, puis elle se précipita vers l'ascenseur qui menait à l'espace commerçant. C'était amusant de la voir courir avec ses talons aiguilles, on aurait dit une autruche.

-Dépêchez-vous, bon sang! nous hurla-t-elle, alors qu'elle appuyait frénétiquement sur les boutons de l'ascenseur.

On piqua un petit sprint, avant de s'engager dans l'ascenseur. Notre mère était déjà en train de se recoiffer devant la vitre de celui-ci. Une vraie maniaque, je vous dis! Même pour son physique, elle ne laissait jamais rien passer.

-Bon, pas une seconde à perdre! Clara, tu iras chercher le décrassant pour WC, Alex tu te chargeras de me ramener le détergeant pour lavabos et douches, et moi je vais m'occuper des produits contre le calcaire, d'accord?

-Wow, mais quel honneur d'être la responsable du décrassant pour WC! Merci maman! ironisai-je.

-Clara, ce n'est pas le moment de penser à ton petit confort! Il va falloir aller très vite, le magasin ferme dans deux minutes. Allez, trois, deux, un, on est parti!