11. Courir quoi qu'il arrive

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Je n'en pouvais plus. Je ressentais si souvent la peur, depuis que j'étais dans ce magasin, que cela me fatiguait de devoir à nouveau lui faire face.

Je n'avais plus les idées claires, mon esprit était totalement embrouillé et je n'arrivais même plus à réfléchir correctement. Et pour couronner le tout, j'étais obligée de courir dans le noir, avec mon coeur qui semblait pouvoir sortir de ma poitrine, tant il battait fort. Mais je ne pensais qu'à une chose; continuer à  courir, quoiqu'il arrive.

Et c'est ce que je faisais, depuis deux bonnes minutes maintenant. Oui, ce n'était rien, deux minutes, mais c'était suffisant pour que mon organisme puisse lâcher d'un moment à l'autre. Effectivement, j'avais vraiment peur de m'effondrer au sol, de ne plus avoir la force pour me relever, et donc de me faire sauvagement étrangler par les trois mannequins.

Mais c'est cette affreuse pensée qui m'encourageait à ne pas lâcher prise, à avancer toujours tout droit, même si je ne connaissais pas la direction dans laquelle je me dirigeais. Il allait forcément y avoir un mur, et donc une impasse, mais je n'avais pas le temps de m'en préoccuper maintenant.

"Courir, courir, courir." me répétai-je sans cesse. Cependant, malgré tout le mal que je me donnais pour m'encourager à continuer, je n'allais plus pouvoir tenir longtemps. J'avais l'horrible impression que ma gorge me brûlait et que mon coeur se trouvait dans mes tempes, prêt à me faire exploser la tête. J'avais terriblement mal au thorax, je ne sentais plus mes membres, je ne pouvais plus respirer correctement.

J'étais totalement à bout de force, alors que j'entendais encore résonner les pas réguliers des mannequins, qui ne semblaient jamais vouloir s'arrêter. J'allai devoir ruser, et vite.

Alors sans prendre le temps de réfléchir, je donnai un violent coup de poing à un bac rempli de ballons. Il se renversa, et toutes les balles qu'il contenait roulèrent sur le carrelage. Un de mes poursuivants, qui n'était de loin pas le plus futé du monde, trébucha lamentablement sur un ballon de basket. Et pour mon plus grand bonheur, il entraîna les deux autres mannequins dans sa chute. Tous s'écrasèrent bruyamment au sol et mon fameux agresseur perdit son bras dans la foulée.

Pas le temps de m'attarder sur leur chute, je m'élançai de plus belle, puisant dans mes dernières forces pour continuer à résister. J'avais un peu d'avance sur les modèles, je ne devais pas la perdre. Mais ma course ne dura pas longtemps, heureusement. Car au moment où j'allais commencer à m'engouffrer dans un rayon à ma gauche, je fus sauvée par la porte que j'aperçus à quelques mètres de là; la porte de la chambre froide.

Je m'élançai dans sa direction et attrapai la poignée. Je tentai de l'ouvrir, mais je me rappelai bien vite que mon frère et moi avions du nous mettre à deux pour pouvoir l'ouvrir, tant elle était lourde. Mais lorsque j'entendis les pas des mannequins qui se rapprochaient dangereusement, je ne me posai pas de questions, et de toutes mes forces, je tirai la porte de métal. Un énorme grincement se fit entendre, puis miracle, elle commença à coulisser.

Je ne laissai qu'une minuscule fente, juste suffisante pour que j'arrive à me glisser dans la chambre froide. Dès que je fus à l'intérieur, je refermai la porte et gardai fermement mes mains sur la poignée, pour empêcher mes poursuivants d'entrer. Il faisait extrêmement froid, plus que la dernière fois me semblait-il, mais j'appréciais cette fraicheur. Après cet incroyable sprint, j'en avais grandement besoin.

Je savais que les corps étaient toujours dans ce carton, mais je m'interdis de les regarder. Je ne devais pas, je ne voulais pas.

Malgré l'épaisseur du métal, je pus entendre lorsque les mannequins arrivèrent de l'autre côté, à peine quelques secondes après mon arrivée. J'avais terriblement peur. S'ils réussisaient, par une quelconque manière, à entrer ici, c'en était fini pour moi. Il n'y avait absolument aucune échappatoire possible. Alors de toutes mes forces, je retenais l'imposante poignée, me préparant à une éventuelle tentative d'ouverture de la porte par les mannequins.

Et c'est ce qu'il se passa. Je la sentis tout à coup bouger. Prise de panique, je retins encore plus fort. Il ne devait être qu'un seul, à tenter de l'ouvrir, car j'arrivai facilement à compenser sa force. Mais pas pour longtemps, tout de même. Mes membres commençaient à trembler, la fatigue se faisait clairement sentir. Mais je devais résister, je devais, je devais!

Alors je serrai les dents, et luttai jusqu'à ce que je n'en puisse plus. Mais après deux minutes environ, plus rien. Ils n'essayaient plus de forcer la porte. Cela me parut étrange, alors je restai sur mes gardes, et n'entrepris pas de sortir d'ici avant que je n'entende absolument plus rien.

Rien que l'idée de me retrouver enfermée avec des cadavres me terrorisait. J'avais l'impression de sentir leur présence, et je me les imaginais, en train de s'animer et sortir de ce carton. Mais je fus vite sortie de ses macabres pensées.

BAM!

Je sursautai. Qu'est-ce que c'était, ce bruit?! Je crus que c'était une explosion, mais cela me semblait très peu probable.

BAM!

Le même bruit. Et là, je compris ce que c'était; les mannequins essayaient de défoncer la porte à coup de je ne sais quel objet. Mais qu'est-ce qu'ils étaient stupides! Ils n'y arriveront jamais, elle est bien trop grosse! Pourtant, j'eus soudain peur qu'ils y arrivent. Alors, pour sauver ma peau, je lâchai la poignée et courus me chercher un endroit où me cacher. Mais ils n'y avaient aucune cachette suffisamment grande. Je stressais, je n'arrivais plus à réfléchir, je ne savais plus quoi faire. Mais je ne voyais pas d'autre solution; j'allai devoir me cacher dans ce carton de cadavres.

J'eus envie de vomir lorsque je m'en approchai; j'avais l'impression que les corps étaient encore plus répugnants que la veille. Mais je n'avais pas d'autre choix, et les coups contre la porte ne faisaient que me paniquer davantage. Alors, je retins ma respiration, ouvris grand le carton et me glissai à l'intérieur, en m'efforçant de m'imaginer au-dessus d'un simple matelas. Au fond, ça y ressemblait, car c'était plutôt mou, même si l'odeur n'était pas tout à fait la même...

Lorsque je fus "bien" installée, je refermai le carton du mieux que je pus et attendis qu'il se passe quelque chose. Je ne savais pas comment j'avais fait pour être aussi bien organisée, car à peine dix secondes plus tard, les mannequins avaient finalement ouvert la porte et étaient maintenant dans la chambre froide, à quelques mètre de moi. Je n'osais plus respirer, j'étais tétanisée. Je les entendais farfouiller les cartons de nourriture, jusqu'à ce qu'ils arrivent au-dessus du mien. J'étais morte, je le savais.

Puis tout se passa très vite. Un cri se fit entendre du fin fond du magasin, puis les mannequins partirent dans sa direction. Oui, en direction de mon frère.

Fashion VictimOù les histoires vivent. Découvrez maintenant