Je poussai un cri, sans véritable raison, et m'élançai sans savoir où. En fait, je ne savais rien. Je ne savais pas qui je fuyais, je ne savais pas où je me dirigeais. Je ne savais même pas si j'échappais à un danger ou si c'était simplement une personne normale et saine d'esprit, qui nous aurait entendus dans le magasin, et qui voudrait nous venir en aide.
Non, non, une personne normale ne serait pas venue ici. Quelqu'un de pas net était derrière nous. Cette personne nous voulait du mal, c'était clair. Rien qu'à entendre ses pas qui se voulaient discrets, je pouvais en déduire qu'elle voulait nous approcher sans qu'on le sache et... Et quoi? Nous torturer, nous étrangler, pour ensuite nous congeler, ou peut-être nous poignarder par derrière? Je devenais soit de plus en plus paranoïaque, soit de plus en plus réaliste.
De toute façon, pas le temps de réfléchir, la peur avait pris le dessus. Je savais qu'on nous voulait du mal ici, point final. Alors je continuai à courir, telle une dératée, sans même prendre le temps de me soucier de mon frère. Mais je n'avais pas de craintes à avoir, il courait tellement vite qu'il arrivera à s'en sortir sans problème.
Quant à moi, par contre... Je cours vite, mais mon endurance laisse sérieusement à désirer. J'arrive toujours première lorsqu'on court le cent mètres au lycée, mais bonne dernière quand on doit travailler dans la durée. Alors je décidai de courir, jusqu'à ce que le souffle me manque.
Bien-sûr, mon endurance n'était pas le seul problème. Un autre, et pas des moindres, était l'obscurité presque étouffante qu'il y avait dans le magasin. Par chance, j'avais encore ma lampe de poche. Mais je n'arrivais pas à éclairer correctement mon chemin, car en courant, ce n'était clairement pas l'idéal pour garder un fuseau de lumière suffisamment droit. Alors je continuai à courir, priant pour ne pas m'écraser lamentablement sur le sol.
Mais ce qui devait arriver, arriva, bien évidemment. Alors que je poursuivais ma course folle, je glissai sur le carrelage, recouvert d'un liquide, et m'étalai violemment sur le dos. Le choc me coupa la respiration, mais heureusement, cela ne dura pas longtemps. Je repris rapidement mes esprits, après une minutes ou deux. Et le mot "liquide" me revint en tête;
-Tiens, un liquide? C'est nouveau ça! pensai-je à voix haute.
Je fus d'abord surprise, puis répugnée, à l'idée de savoir dans quoi j'étais assise en ce moment-même. Tout un tas d'horreurs passa en boucles dans ma tête, comme par exemple le fait que Mathias soit resté dans ce magasin à manger et à boire et qu'il devait, comme tous êtres humains...non, mieux valait que je m'arrête là.
Mais en approchant mon nez de cette matière, une forte odeur me sauta au nez. Mais oui, je savais ce que c'était! Mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. De l'alcool? Non. Mais oui, bien-sûr! C'était de l'essence!
Fière d'avoir un nez si développé, je m'apprêtai à me relever pour continuer mon chemin. Mais je me stoppai net; de l'essence? Ici, dans un magasin? Quelque chose m'échappait. Pourtant, tout au fond de moi, je compris très vite pourquoi quelqu'un avait versé de l'essence ici; cette personne allait mettre feu au centre commercial. Une vision d'horreur m'effleura l'esprit; je nous vis, mon frère et moi, encerclés par les flammes, incapables de s'échapper. Puis on mourrait, carbonisés, sans avoir revu nos parents, morts d'inquiétude.
Mais je débloquais totalement! Pourquoi imaginais-je de telles choses?! Dans tous les cas, je devais retrouver mon frère, et lui faire part de ma découverte. Mais si je l'appelais, le malfaiteur allait me retrouver facilement. Alors j'allai devoir être rusée et réussir à atteindre Alex sans faire de bruit et le plus rapidement possible.
Je me levai avec précaution, mais alors que je m'élançais vaillamment à la recherche de mon frère, je glissai une nouvelle fois sur l'essence répandue au sol. Ce n'était vraiment pas mon jour de chance aujourd'hui! Heureusement, ce ne fut pas sur mon dos que je tombai cette fois-ci, mais seulement sur mon bras. J'entendis le bruit étrange que fit mon poignet, mais par chance, je ne sentis pas la moindre douleur suspecte, alors je ne m'en préoccupai pas plus que cela.
Pour tout de même ne pas empirer mon état, je me mis à quatres pattes et marchai avec précaution jusqu'au bout de la flaque, toujours en tenant fermement ma lampe de poche dans une main. Arrivée sur le carrelage sec, j'eus la très agréable surprise de constater les dégâts sur mes habits neufs; ils étaient si imbibés d'essence qu'ils en devenaient lourds, et l'odeur me faisait affreusement mal à la tête. Je devais aller en rechercher rapidement au rayon vêtements.
Sans plus attendre, je me mis en marche pour le rejoindre. Il n'était pas très loin, à une minute environ, je pense. Arrivée là-bas, je me dépêchai de reprendre exactement les mêmes habits. Mais ce fut plus fort que moi, un magnifique pull noir sembla me tendre les bras, et je ne pus pas résister à l'envie de l'essayer. Je m'en approchai, mais je remarquai tout de suite qu'il était accroché beaucoup trop haut sur son cintre, pour que je puisse l'attraper. Mais je ne baissai pas les bras, et tentai tant bien que mal de sauter en l'air pour l'agripper. Qu'est-ce que j'avais l'air stupide à sautiller ainsi pour un pull! Mais il me le fallait, je ne pouvais pas partir sans l'avoir pris.
Ce fut après au moins deux bonnes minutes que je réussis à l'attraper, dans un ultime saut. Mais au moment où je le tirai pour le ramener à moi, mon poignet craqua de la même façon qu'il l'avait fait, il y a plusieurs minutes. Mais cette fois-ci, le bruit était bien plus fort, et il m'arracha un petit cri de douleur que je ne pus retenir. Je mis immédiatement la main sur ma bouche, de peur que le malfaiteur m'entende, même si cela ne changerait rien. J'avais l'impression de revivre la scène de la veille, lorsque je m'étais enfouie dans le bac de vêtements, de peur de voir un tueur sanguinaire apparaître. Mais comme hier, personne, pas un bruit, le silence total.
Rassurée je pris donc ce pull et allai dans une cabine pour l'enfiler. Mais lorsque je tirai le rideau, mon poignet me fit terriblement souffrir à nouveau. Je serrai les dents et retenu mes larmes, en le massant doucement.
Et là, miracle. J'entendis les pas d'Alex dans le rayon.
-Alex! criai-je.
Mais il ne me répondit pas.
-Alex, je suis là! répétai-je.
Mais toujours rien. Je m'apprêtai à le rappeler une troisième fois, mais j'entendis ses pas se rapprocher de ma cabine, et s'arrêter net devant celle-ci. Et je compris alors pourquoi il ne voulait pas me répondre; il savait qu'on nous surveillait. Oui, j'avais été stupide de l'avoir appelé, si j'étais sensée rester discrète! Quoi qu'il en soit, j'étais heureuse qu'il m'ait retrouvée. J'avais presque envie de le prendre dans mes bras, mais je m'étais déjà déshabillée, donc je m'abstins.
J'allais enfiler mon pull, mais ma douleur au poignet était devenue totalement insoutenable. Ne trouvant pas d'autre solution, je m'approchai du rideau et murmurai;
-Eh, Alex? Si tu savais comme ça me rassure que tu sois là! J'ai vraiment cru ne jamais te revoir! Mais, par contre, je crois que je me suis cassée le poignet, c'est horrible, j'ai vraiment trop mal... Tu pourrais aller me chercher quelque chose à la pharmacie, genre de la pommade, s'il te plaît?
Étonnamment, il ne me répondit toujours pas, ce qui ne fit que me stresser d'avantage. La sensation d'être observés se faisait de plus en plus grande, c'était insupportable. Mais malgré tout, j'entendis mon frère s'éloigner, et je me détendis un peu. Je savais qu'il allait m'aider.
Une minute passa, puis deux, puis trois. Après cinq minutes, je commençai sérieusement à me demander où était passé Alex. Je fus tentée de partir à sa recherche, lorsque je sentis soudain quelque chose de froid me toucher le pied. Je baissai les yeux et aperçus avec surprise que l'on me jetait des glaçons depuis en bas. Je les observai, ils ressemblaient à ceux de la chambre froide, ceux qui gardaient les cadavres au froid. Mais je ne préférais pas y penser.
-Non mais Alex, qu'est-ce que tu fous?! J'ai pas besoin de glaçons, mais de la pommade! Et puis si j'en avais eu besoin, ça aurait été pour mon poignet, pas pour mes pieds! Bon, tu sais quoi? Reste là, je vais m'en occuper toute seule.
Je tirai d'un coup le rideau de ma main valide.
Et pâlis instantanément, lorsque je vis que je ne me trouvais pas en face de mon frère.
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Fashion Victim
Mystery / ThrillerClara et Alex vont réaliser un des rêves qu'une bonne partie de la population voudrait vivre: rester enfermés dans un centre commercial durant tout un weekend. Tout un weekend à engloutir des chips et à profiter des bons lits moelleux du rayon liter...