16. Ils descendaient

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Je ne sus plus quoi faire. J'étais partagée entre l'envie de m'effondrer au sol en pleurant toutes les larmes de mon corps, et le besoin de retourner au plus vite dans le magasin pour aller chercher Alex et Mathias.

J'étais totalement désespérée. Mais grâce au peu de courage qui me restait, je me convaincus de ne pas baisser les bras maintenant, et de partir à leur recherche avant qu'il ne soit trop tard. Seulement, remonter par l'ascenseur serait bien trop risqué. Car les mannequins m'avaient vu y entrer, et étaient donc sûrement déjà en train de descendre par celui-ci.

Une bouffée de panique m'envahit. Malgré que je n'entende pas de bruit provenant de l'élévateur, je ne pus m'empêcher de les imaginer en sortir sans même que j'aie pu les entendre. Je devais donc partir d'ici au plus vite, sans utiliser l'ascenseur. Mais comment?

Je me retournai et aperçus la sortie de secours, indiquée par un logo vert lumineux. Je me trouvais stupide qu'on ne l'ait pas pas remarquée plus tôt. Car, oui, comme dans tous les grands centres commerciaux, il y avait une sortie de secours, ce qui me paraissait désormais évident. Et si on avait enduré tout ce calvaire à cause d'un simple manque de réflexion? Peut-être que l'on aurait pu éviter ce cauchemar en ayant réfléchi un peu plus. Mais je tentai de me rassurer en me disant qu'en paniquant, il nous était absolument impossible d'être rationnel et logique. Ce qui n'était pas faux. 

Tant pis, il était trop tard maintenant. Je me trouvais devant cette porte. Si je l'empruntais, où cela me mènerait-il? Je n'en avais pas la moindre idée, mais je ne pouvais pas rater cette occasion une nouvelle fois.

Méfiante, je m'en approchai. J'appuyai sur la poignée, qui s'abaissa dans un bruit métallique grinçant. Puis, j'ouvris la porte, en m'assurant tout de même de la garder ouverte avec ma main. Et, à peine m'introduis-je à l'intérieur, qu'une forte odeur de béton, semblable à celle que l'on peut sentir dans les garages, m'enveloppa. Sous le coup de la surprise, je ne m'étais même pas rendue compte que j'avais fermé les yeux. Alors, un peu peureuse de voir ce qui m'attendait, j'ouvris lentement l'oeil droit, puis le gauche. 

Je me retrouvai devant un long couloir sombre, avec pour seul éclairage, des néons clignotants. En plissant le yeux, j'aperçus un petit escalier, tout au fond du couloir. Je frissonnai. Malgré l'urgence de la situation, je ne faisait qu'hésiter. Je craignais de m'engouffrer dans un cul-de-sac ou bien que je finisse par ne plus retrouver la sortie. Mais il était trop tard maintenant, je ne pouvais plus reculer. Alors je lâchai la porte et avançai lentement dans le couloir. Je respirais bruyamment, et mon coeur semblait tambouriner dans ma tête, mais je tentai de me calmer, en me disant que je n'avais absolument rien à craindre ici. Puis soudain, la porte claqua derrière moi. Je ne m'y attendais tellement pas que je sursautai violemment avant de me jeter par terre, à genoux, les mains sur la tête. Mais je compris rapidement qu'elle venait simplement de se refermer, et que les mannequins n'étaient pas dernière moi. Je me sentis très stupide tout à coup.

Je rigolai nerveusement, avant de me relever et de continuer à progresser dans le couloir. Ce n'était vraiment pas le moment de tomber dans la paranoïa. Je ne devais penser à rien d'autre qu'à Alex et Mathias. Alex, Mathias. Rien d'autre.

Au fur et à mesure que je me le répétais dans ma tête, je m'encourageais. J'étais maintenant remontée à bloc, prête à me battre comme jamais, si l'occasion se présentait à moi. Et,comme par miracle, la peur qui me nouait le ventre il y a de cela quelques minutes, avait disparue, laissant place à de la totale confiance. Oui, peut-être pour la première fois depuis que je me trouvais dans ce magasin, je me sentais confiante. J'avais un peu l'impression que mes émotions jouaient aux montagnes russes, mais cette fois-ci, je savais que c'était la bonne, je savais qu'on allait sortir de ce magasin.

Arrivée au pied de l'escalier, je levai la tête, pour essayer d'estimer sa hauteur. Étrangement, il me parut bien plus haut que l'ascenseur. Il devait sûrement y avoir des étages intermédiaires, pour le personnel, ou quelque chose comme cela. Car, si mes souvenirs étaient bons, l'ascenseur ne comportait que trois étages, alors que l'escalier, lui, devait en comprendre six, à vue d'oeil. Je n'y réfléchis pas d'avantage, j'avais déjà perdu assez de temps comme ça.

Je décidai de monter les escaliers en courant. Mais bien entendu, mon endurance m'handicapa une nouvelle fois. Après deux étages montés ainsi, je dus m'arrêter à cause d'un horrible point de côté. Bon sang, j'étais sûre que même un asthmatique était capable de courir plus que moi! Je devais vraiment être un cas désespéré. Mais tant pis, je n'allais pas m'arrêter en si bon chemin. Je repris donc mon ascension, en marchant cette fois.

Les néons accrochés au plafond clignotaient toujours, ce qui ne me facilitait pas la tâche. Quelqu'un semblait jouer à les allumer pour ensuite les éteindre ou juste diminuer leur intensité, et j'eus une nouvelle fois cet affreux pressentiment que les mannequins étaient en train de contrôler notre destin. Puis, je me rappelai de l'essence qui avait été versée au sol, dans laquelle j'étais tombée. En y réfléchissant bien, si les mannequins avaient eu l'intention de mettre le feu au magasin, ils l'auraient fait depuis bien longtemps. J'en conclus donc qu'ils ne faisaient que nous effrayer, nous intimider, pour que l'on sorte d'ici. Mais, tout de même, ils auraient pu utiliser des manières plus pacifistes pour nous le faire comprendre...

Mais il restait toujours un problème que je n'arrivais pas à résoudre; depuis quand les mannequins étaient-ils animés? Comment cela était-il possible? Peut-être qu'au fond, il n'y avait pas de réponse à cela, et que les rationnels y verront une prouesse de la mécanique, tandis que les rêveurs diront que la magie fait bien les choses.

De toute façon, je n'avais pas d'avis sur la question, et je ne cherchais pas la réponse à celle-ci non plus.

Je sortis de mes profondes réflexions lorsque je m'apperçus que je venais d'atteindre le quatrième étage. En relevant une nouvelle fois la tête, je vis qu'il ne me restait pas deux étages à gravir comme je le pensais, mais trois, ce qui signifiait qu'il y avait sept étages en tout. Un peu découragée et fatiguée, je n'abandonnai tout de même pas, et continuai à monter les marches une à une.

Mais à peine avais-je atteint le cinquième étage que la lumière s'éteignit, pour de bon cette fois. Puis des pas se firent entendre. Ils descendaient. Je compris que mon calvaire n'était de loin pas fini.

Fashion VictimOù les histoires vivent. Découvrez maintenant