13. Un cri strident

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Je me relevai et me retournai d’un bond, prête à me battre. Mais je ne fus juste pas été assez rapide, le mannequin me devança. Sans avoir eu le temps de comprendre quoi que ce soit, me voilà soulevée et plaquée brutalement au mur. J’en eu la respiration coupée, et cela ne fit que s’empirer lorsque le mannequin m’étreignit d’avantage.

La seule phrase que je me répétais pendant un instant était ; « Je dois me battre, je ne peux pas mourir», comme si cela allait m’aider à m’en sortir. Mais ce n’était pas le moment de penser à ma mort, pas maintenant en tout cas.

Alors, à mon tour j’attrapai les mains du mannequin, qui semblaient décidément agrippées à mon cou, et je tentai de les enlever, de les tordre ou bien même d’y planter mes ongles. Mais toutes mes tentatives furent vaines, ses mains étaient aussi dures que de la pierre, impossible de m’en délivrer.

Je n’aurais jamais imaginé qu’un mannequin puisse avoir autant de force. Le premier qui m’avait étranglé n’était pas aussi puissant que celui-là. Je savais donc que je ne pourrai pas réussir à m’en libérer grâce à un bras déboité. Et tous mes minces espoirs de réussite disparurent en une fraction de seconde.

Sachant que je ne pouvais désormais plus rien faire, je me contentai seulement de garder mes mains sur les siennes, comme pour apaiser ma souffrance, ce qui fut bien inutile, étant donné qu’en plus de cela, mon poignet cassé me faisait atrocement mal. Alors, je décidai d’attendre dans la douleur et l’asphyxie que ce mannequin décide de me relâcher miraculeusement.

Mais ce moment ne pourra pas arriver. Non, il n’arrivera jamais et je le savais. Cela faisait deux jours que nous étions enfermés ici, à tenter par tous les moyens de leur échapper, mais ils finiront par gagner. Et c’était exactement ce qu’il se passait à ce moment-là. C’était comme la dernière partie, la bataille finale. Celle qui allait désigner les vainqueurs et proclamer haut et fort les perdants. Mais nous n’entendrons pas cette proclamation, car ce sont nous les perdants, ceux pour lesquels le dernier souffle est tout proche. Je n’ai décidément plus la force de me battre.

Le sang m’était monté à la tête. Il martelait mes tempes et semblait pouvoir me faire exploser les artères à tout moment. Je n’avais plus assez d’oxygène, tout mon corps me lançait.

Finalement, à quoi bon vouloir encore résister? Je ne pouvais plus supporter toute cette douleur, c’en était trop. Tout ce que je voulais, c’était que ce maudit mannequin en finisse une fois pour toutes. Mais, d’un sadisme hors-normes, il faisait tout pour me faire souffrir, sans jamais vouloir m’achever, prenant sûrement un malin plaisir à me regarder agoniser entre ses mains.

Je sentais les larmes d’exaspération me couler sur les joues. Des larmes d’exaspération, mais aussi de chagrin. Je repensais à mon père. Mais surtout à ma mère et sa phrase qui tournait inlassablement en boucles dans ma tête ; « Demain on est dimanche, ma belle, et le magasin sera fermé! Aller, préparez-vous et montez dans la voiture! ». Si seulement on avait su! Et si elle savait… S’en voudrait-elle? Oui, bien entendu. Mais moi, je ne pouvais tout de même pas lui en vouloir. Elle ne pouvait pas deviner ce qui allait se passer. D’ailleurs, qui aurait pu? Et si, ne sait-on jamais, on survivait, qui nous croirait? Personne, tout simplement personne.

Avant, ma famille aurait été ma motivation pour continuer à me battre, et même si cela était bien égoïste, maintenant je ne pensais plus qu’à moi. Et tout ce que je voulais, était d’enfin pouvoir lâcher prise, pour ne plus devoir endurer ce supplice.

Les larmes dégoulinaient toujours abondamment sur mes joues, je n’arrivais pas à arrêter mes pleurs. Je semblais totalement perdues dans mes sombres pensées, lorsque j’entendis soudain la faible voix de mon frère à ma gauche;

-Tu as fait tout ce que tu as pu, tu ne dois pas t’en vouloir.

Trop absorbée par ma mort qui ne saurait tarder, je n’avais même pas réalisé qu’un mannequin avait également plaqué mon frère contre le mur, et le maintenait en l’air, exactement comme moi. Il pleurait, lui aussi. Je crois bien que c’était la première fois que je le voyais pleurer. Dans un souffle, je lui répondis ;

-Non Alex, si j’avais vraiment fait tout ce que j’avais pu…on n’en serait pas là.

La fin de ma phrase fut presque imperceptible, tant j’avais du mal à respirer. Mais Alex m’avait totalement comprise, et il se tut, car il n’y avait plus rien à rajouter.

Je le regardai une dernière fois, puis je tournai la tête, et fixai le mannequin dans les yeux. Je ne détournai pas le regard, je voulais réussir à le dominer, à l’intimider, même si je n’avais presque plus la force de garder les yeux ouverts.

Il ne sembla pas apprécier mon arrogance, et me le fit rapidement comprendre. Il fit un petit signe de tête et deux mannequins, qui étaient restés à l’arrière jusqu’à maintenant, se placèrent de chaque côté de moi, tandis que le dernier se positionna à droite de mon frère. Et, sans avoir eu le temps de nous y préparer, ils nous frappèrent violemment dans le ventre. Juste un coup, pas plus. Mais ce fut suffisant pour que je me torde de douleur, incapable de respirer plus longtemps.

Voilà, ils avaient gagné, c’était fini. Je ne voyais plus rien, je n’entendais plus rien, comme si tout autour de moi avait disparu. Je me préparais psychologiquement au vide total que j’allai ressentir. Je laissais le temps s’écouler, je ne voulais plus rien faire d’autre qu’attendre. Lorsque tout à coup j’entendis un bruit métallique lointain. Un son très léger et régulier, presque reposant. Je ne saurais pas dire qu’est-ce qui faisait ce bruit, mais d’un coup, je l’entendis qui se rapprochait. Il était maintenant très proche. Étais-je la seule à percevoir ce petit cliquetis?

Dans un effort ultime, je rouvris les yeux, ne sachant pas si ce que je voyais était bien réel. Oui, il me semblait bien que oui. Je ne voyais que ce mannequin, toujours en train de me serrer la gorge. Puis soudain, une casserole vint violemment s’écraser sur sa tête. Ébahie, je regardai autour de moi, affolée. Puis une deuxième fendit l’air et vint heurter la tête d’un autre mannequin. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que tous les modèles soit complétement sonnés. Mais malheureusement, mon agresseur était toujours accroché à mon cou, et ne semblait décidemment  jamais vouloir me lâcher. Alors je refermai les yeux, je ne comprenais vraiment rien à ce qu’il se passait.

Et puis l’irréalisable se réalisa. La personne qui venait sûrement de lancer les casseroles hurla;

-Lâchez-les immédiatement!

Et c’est ce que le mannequin fit. À peine, m’avait-il relâchée, que je m’écrasai au sol en me cognant la tête contre le mur au passage. Mais je pouvais respirer, enfin. J’haletais, tremblante. La tête me tournait, j’avais l’impression que le sol penchait. Je ne savais pas si je devais m’enfuir, ou aller d’abord vers mon frère. Non, la première chose  faire était de reprendre mes esprits et de comprendre pourquoi le mannequin avait obéi à l’ordre de la personne. Pourquoi m’avait-il lâchée? Puis je compris, ils voulaient aller tuer cette personne. Je le compris dès que j’entendis un cri venant de mon sauveur. Un cri strident.

Le cri de Mathias.

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