10. Fashion Victim

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Un mannequin se tenait devant moi. Un mannequin de plastic, blanc, froid, dur. Mais un mannequin animé, qui me souriait d'une façon incroyablement sadique. Avec ses mains remplies de glaçons, je ne pus pas m'empêcher d'émettre un petit rire nerveux, je ne comprenais rien à ce qu'il se passait.

Non, je délirais totalement! Les mannequins ne sont pas vivants, pas vrai?

Du moins, ce fait me semblait tout à fait plausible, il y a de cela quelques minutes. Mais désormais, je savais qu'il ne l'était de loin pas. Je n'aurais même pas pu me contredire sur ce point, pour essayer de me rassurer, car je savais pertinemment que j'aurais tort en affirmant que les mannequins ne sont que des modèles inertes. D'ailleurs, même un homme n'aurait pas pu faire un déguisement si ressemblant.

Je le compris, dès qu'il lâcha ses glaçons, qui percutèrent violemment le sol, tout comme son bras gauche qui venait de se décrocher. Oui, en laissant tomber ses cubes de glace, il venait de perdre son bras. Cela ne sembla pourtant pas le déranger, car il se baissa lentement, toujours en me fixant de ses yeux blancs, et le ramassa d'une main. Il se redressa, encore une fois sans se presser, comme s'il calculait chacun de ses faits et gestes. Puis, d'un coup sec, il se l'enfonça dans le bras. Il le remboita avec une telle vivacité, que je sursautai violemment, en laissant échapper un petit cri.

Il le remarqua. Il redressa la tête et me fixa, du moins c'est ce que pensais, car il n'avait ni pupilles, ni iris, il était donc difficile de dire s'il me regardait.

Je commençai sérieusement à avoir peur, car je n'avais jamais été exposée à ce genre de "personne". D'ailleurs je dois sûrement être la première dans l'histoire de toute l'humanité à être face à un mannequin vivant.

À ce moment précis; illumination. Illumination, que j'aurai dû avoir il y a bien longtemps en fait...

Non, je n'étais pas la première à être dans une telle situation, c'était si évident! La personne qui a retenu la porte, celle qui est descendue dans l'ascenseur, celle qui a mis tous les corps dans la chambre froide, celle qui a blessé Mathias n'était autre que ce mannequin. Pourquoi n'avais-je pas remarqué ces signes plus tôt? Pourquoi n'avais-je rien remarqué d'anormal quand les mannequin avait bougé dans le rayon? Pourquoi ne m'étais-je pas questionné sur l'état de Mathias, et le fait qu'il ne pouvait pas sortir de ce magasin? J'avais été tellement stupide!

Pourtant, je ne comprenais toujours pas pourquoi un mannequin était capable de faire cela. Il n'était fait que de plastic, il n'a pas de veines, ni de coeur, ni de cerveau! Quelque chose m'échappait, mais je n'avais pas le temps de comprendre. Et puis, j'avais trop peur de savoir la vérité à propos de ce mannequin, il me terrifiait.

Alors que j'étais plongée dans mes profondes pensées, je revins rapidement à moi; je devais fuir à tout prix.

Mais sans avoir eu le temps de comprendre quoi que ce soit, il tendit les mains vers moi, ce qui m'obligea à reculer jusqu'au fond de la cabine. Puis, en une fraction de secondes, il m'attrapa le cou et me souleva du sol. Il voulait m'étrangler, pour pouvoir me tuer.

J'avais compris depuis longtemps que c'était sa manière à lui de tuer, mais je ne m'attendais tellement pas à ce qu'il soit aussi rapide, que je ne pus même pas anticiper son geste.

Il me plaqua violemment au mur et serra un peu plus son étreinte.

-Lâche-moi! Arrête ça tout de suite! criai-je.

Il ne sembla pas apprécier que je lui donne des ordres sur ce ton, alors il m'attrapa les deux mains et les serra fermement, pour que j'arrête de me débattre. Ses mains n'étaient ni chaudes, ni froides, mais elles étaient très dures et avaient étonnamment beaucoup de force. Je me crispai un peu plus, car j'avais l'impression qu'il me brisait les doigts.

N'ayant plus aucun appui, je tentai de résister tant bien que mal, en luttant pour conserver l'air de mes poumons. Mais je n'arrivais presque plus à respirer. Je commençai à paniquer. J'avais envie de crier, de me défendre, mais la force et l'oxygène me manquaient.

J'inspirais et expirais bruyamment. La sensation de ma cage thoracique qui se rétrécit m'était insupportable. Je commençai à avoir les larmes aux yeux, de rage ou de désespoir, je ne pouvais même pas le dire.

-Lâche-moi, lâche-moi, soufflai-je d'une voix presque imperceptible.

Il me sourit hypocritement puis hocha lentement la tête de droite à gauche. J'avais envie de le tuer, rien que pour la façon qu'il avait de me fixer en train de m'asphyxier.

J'avais l'impression de vivre mes derniers instants, je n'en avais plus pour longtemps. Mais je pensai à mon frère et à ma famille, je ne pouvais tout de même pas mourir si bêtement, à cause d'un mannequin dans un centre commercial! Non, je devais me battre, je ne devais pas baisser les bras maintenant!

À ce moment-là, seconde illumination; les bras, mais oui, bien-sûr! Étant donné qu'il me tenait avec sa main gauche, il me suffirait simplement de lui déboiter son bras, pour qu'il desserve son emprise!

Mmh... Plus facile à dire qu'à faire. Mais je n'avais plus le temps de le laisser agir ainsi, sans riposter. Alors sans réfléchir, je rassemblai mes dernières forces, et dans un ultime effort, je ramenai mes genoux à moi. Puis, je donnai un violent coup de pied dans son bras gauche, qui se détacha instantanément de l'épaule du mannequin.

Il en fut déséquilibré, et tomba violemment sur le dos. Dans sa chute, il s'était agrippé à mon poignet. Ironie du sort, celui qui était déjà cassé! Je poussai un long cri de douleur, tout en tombant avec le mannequin. Malgré la souffrance qui m'accablait, je me relevai presque immédiatement, et commençai à piétiner le corps du modèle pour qu'il lâche mon poignet, qu'il tenait toujours fermement. Je souffrais terriblement, car plus je lui donnais des coups de pieds, plus il me serrait.

Mais après quelques secondes qui me parurent interminables, il lâcha enfin prise. Terrorisée à l'idée qu'il se relève, je n'eus d'autres choix que de prendre mes jambes à mon cou et de partir, très loin. Mais avant de sortir du rayon vêtements, je jetai un dernier coup d'oeil au mannequin. Il me sembla presque voir des éclairs dans ses yeux. Il était déjà en train de se relever, et s'apprêtait à me poursuivre pour définitivement en finir avec moi.

Soudain, j'eus l'impression d'avoir une force surhumaine. J'avais l'adrénaline qui montait en moi. Alors je commençai à courir, le plus loin possible, le plus vite que je le pouvais. Tout autour de moi semblait défiler incroyablement vite, j'avais presque l'impression de voler. Mais je devais absolument retrouver mon frère, aller chercher un bandage ou n'importe quoi d'autre pour soulager mon poignet, et sauver ma peau. Tout ça en échappant à un horrible mannequin sanguinaire. La tâche n'allait pas être simple.

Alors que je continuais toujours à courir, j'entendis soudain des pas qui se rapprochaient de plus en plus de moi. Paniquée, j'eus la stupide idée de me retourner pour voir si je n'étais pas suivie de trop près.

Ils étaient trois. Trois mannequins qui me couraient après, prêts à m'étrangler de leur propres mains.

Fashion VictimOù les histoires vivent. Découvrez maintenant