IV

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Lundi, quatorze heures. Antonin était affalé sur la table de la cafétéria, et Ismaël faisait de grands gestes devant son visage pour attirer son attention.

-Quoi ?

-Tu sais que ça fait quatre fois que je te répète la même phrase ?

-Pardon.

-T'as la tête vachement ailleurs, t'es sûr que tout va bien ?

-Oui, bien sûr.

Ismaël n'était pas dupe. Il savait quand son meilleur ami lui mentait, c'était si évident que même un aveugle aurait pu le voir. Primo, le ton de sa voix changeait légèrement. Au lieu d'être posé et calme, il montait dans les aigus. Deuzio, il avait la manie de jouer avec la manche de son pull ou, à défaut d'en porter un, avec son bracelet tissé.

-Bref. On va chercher à manger ?

Ils se levèrent et marchèrent vers la file déjà bien longue. Une fois que leur tour fut arrivé, ils demandèrent des frites à la gentille femme qui s'occupait des plats chauds, puis ils passèrent leur badge étudiant en guise de payement. L'un des nombreux avantages à être sur un prestigieux campus, d'une université à la haute renommée.

-Un peu de sel ? proposa Ismaël.

-Non et mille fois non. Elles sont déjà succulentes, pourquoi gâcher leur goût avec un épice qui insulte leur nature ?

-Oh, pitié ! Le sel ne le gâche pas, il l'amplifie, le complète. Tu ne comprends rien à rien, mon pauvre.

-On a déjà eu ce débat des dizaines de fois, et dieu sait que je le remporte à chaque fois. A quoi bon essayer de me changer ?

En terminant sa phrase, il croqua dans une des frites qu'il tenait en regardant son meilleur ami. Un peu comme un geste de provocation.

-J'espère juste te convertir en forçant. Qui ne tente rien n'a rien, princesse. Au fait, t'as des nouvelles de l'autre racaille ?

-Pourquoi tu l'appelles ainsi ? Il a un prénom, tu sais. Et non, pas depuis hier après-midi.

-Il en a les airs, c'est tout. Oh, ça explique ta tête d'enterrement ! Il t'a mis un râteau, pas vrai ?

Antonin fit la moue. Ismaël adorait quand il avait cette expression : ses joues gonflées lui donnaient un air de bébé. C'était à croquer.

-Qui t'a dit que je voulais le draguer, d'abord ?

-On n'apprend pas à faire des grimaces à un vieux singe. Je suis pas con, j'ai bien vu qu'il te faisait de l'effet. Et, d'après mes calculs – il mima une calculatrice et fit semblant de presser rapidement des boutons imaginaires – tu le rends pas indifférent. T'as rien à perdre, si ?

Le blond sembla réfléchir, et il se mit à jouer avec ses frites qui refroidissaient déjà.

-Je sais pas, finit-il par répondre. Je suis pas tenté par une relation.

-Un plan cul, alors ?

-Moins fort !

Antonin se pencha et posa ses deux mains sur la bouche d'Ismaël qui se dégagea en riant. Puis, le blond poursuivit :

-Et non, je suis pas intéressé non plus.

-Tu veux rester puceau jusqu'au mariage ?

-J'ai pas dit ça.

Ismaël releva ses sourcils plusieurs fois de suite, mais son meilleur ami lui donna un coup de pied sous la table, en plein dans le tibia. Puis, Elliott passa à côté de leur table, et continua son chemin vers la file des plats froids. Antonin le suivit des yeux, sans aucune discrétion, mais n'osa pas l'interpeller.

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