VII

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Ismaël avait tout vu. Il était là, sur le côté, et les entendait se livrer un baiser passionnel. Son cœur se serra, mais il se força à fermer les yeux, tout en plaquant ses mains contre ses oreilles.

Bordel.

Il tenta de se déboucher les oreilles pour vérifier s'ils avaient terminé, mais lorsqu'il entendit un claquement de langue, il repositionna immédiatement ses mains.

Pitié, les gars... Je suis là...

Ismaël était perdu. Depuis plusieurs années déjà, il avait enchaîné les relations, sans aucun succès. Antonin avait toujours été à ses côtés, le soutenant malgré tout, même dans ses pires déceptions. Il n'avait jamais trouvé la fille qui lui convenait, qui pouvait compléter son cœur. Au fil des mois, il s'était fait une raison : il était doué dans tout, sauf les filles. C'est vrai, tout le monde ne pouvait pas être un as quand il s'agissait d'amour, pas vrai ? Mais cela lui faisait du mal, beaucoup de mal. Pourquoi ne trouvait-il pas la personne qui le rendrait heureux, une bonne fois pour toute ? Et voilà que, sous ses yeux, Antonin trouvait quelqu'un. Cela n'était jamais arrivé, il le savait, son meilleur ami n'était pas du genre à vouloir se mettre en couple. Du coup, Ismaël se sentait délaissé, et, ­peut-être jaloux. Il était habitué à être le centre d'attention d'Antonin. Au fond de lui, il en était persuadé, mais n'osait pas encore le dire à voix haute, il voulait qu'il ne soit que sien, même amicalement parlant.

Comme à son habitude, il utilisa son humour pour se sortir de la situation gênante.

-Vous avez fini de vous baver dessus ? Je dois aller pisser.

Elliott se redressa comme un lion prêt à attaquer, et s'essuya la bouche.

-Euh, oui. Pardon.

Il alluma la lampe de chevet. Antonin se retourna, les cheveux en pétard, ses petits yeux cherchant à s'habituer à la soudaine clarté.

Horriblement adorable, se dit Ismaël avant de filer aux toilettes.

Pendant ce court laps de temps, les deux nouveaux amants se regardèrent et rirent. Elliot passa sa main contre la joue d'Antonin qui apprécia le toucher, puis ils se recouchèrent non sans délier leurs doigts. Ismaël revint, et les regarda.

-Vous vous foutez de moi ? Vous vous bécotez et vous dormez même pas ensemble ?

-On n'est pas tous pressés, mon chou.

Elliott acquiesça. Bon, d'accord, il avait envie d'avoir Antonin dans ses bras pour la nuit, mais il ne dit rien et se contenta de confirmer les dires du blond.

-Si vous voulez, je peux aller dormir dans le canapé.

-Mais non. Allonge-toi, on va aller dormir, répondit Elliott.

Il appuya sur le bouton de la lampe et plongea la pièce dans le noir.

Une semaine passa. Antonin avait revu Elliott une seule fois après le baiser, et le rendez-vous avait été terriblement gênant. Aucun d'eux n'avait osé reparler de l'évènement, et ils s'étaient contentés de se tenir timidement la main pendant une séance diffusée tard le soir au cinéma. Leur relation n'était pas officielle, et, à part Ismaël, personne n'était au courant qu'ils se voyaient. Quant à ce dernier, il n'avait pas tenté de se remettre en couple avec une autre fille. Fatigué de ses échecs, il se contentait de rester célibataire, et d'observer son meilleur ami tomber sous les charmes d'Elliott qui ne cessait de tout faire pour attirer son attention, même sans le vouloir. C'était un spectacle marrant à voir, car ni l'un ni l'autre n'était expert en amour.

Count me in!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant