Je déglutis difficilement, la peur nouant ma gorge, son couteau appuyant sur mon cou. J'essaye de considérer la situation mais l'arme de Cirice envahit toutes mes pensées. Cette dernière n'a pas l'air de s'impatienter, bien au contraire. Je peux ressentir le plaisir dont elle jouit actuellement glisser le long du métal pour envahir chaque pore ma peau. Pétrifiée de peur, c'est avec un sursaut de ma part que j'accueille la lumière jaillissante au-dessus de nos têtes. Cirice et moi tournons la tête de concert en direction de la porte. Louise se tient debout, le doigt appuyé sur l'interrupteur. Ses traits sont plus que menaçants, comme si elle avait attendu toute la nuit ce moment. Son expression fait rire Cirice.
- Oh la pauvre petite ! Elle pense pouvoir me faire peur !
Cette dernière tourne son couteau dans tous les sens, le métal luisant sous la douce lumière de l'ampoule pendant au plafond. Puis elle se met à rire, rire qui ne traduit pas la joie, mais plutôt la déficience mentale. Louise me lance plusieurs regards en coin le plus discrètement qu'elle le peut, pour me faire signe de bouger. Il est vrai que Cirice ne me retient plus du tout. Mais sans savoir pourquoi, mes jambes refusent de bouger.
- Oh, ne te fatigue pas, lance-t-elle à l'attention de Louise.
Pourquoi est-ce que mon corps reste planté là ? Je pourrais tout à fait m'enfuir, courir loin, très loin d'elle...
- Haatlae m'appartient.
Un malaise m'imprègne toute entière. La nausée me gagne et l'impression que je vais m'évanouir s'ajoute à cela. Mon cerveau semble surchauffer.
- T'auras beau te démener, tu peux rien contre moi.
Et si...
- Alors maintenant, arrête de me regarder comme ça, ou je te plante, t'as compris ?
Et si mon corps n'était pas le responsable ?
- Je préfère Louise à toi.
Les mots sortent de ma bouche sans que je puisse commander quoi que ce soit. Toujours paralysée, je suis obligée de fixer Louise. Elle a tourné la tête vers moi et semble être profondément touchée. Quelques secondes s'évanouissent dans le temps avant que Cirice ne relance la machine, plus assassine que jamais.
- Parce que tu crois que ce que tu penses m'importe ?
Je n'ai pas le temps de répondre que Louise se met à hurler. C'est un cri sans fond, sans peur. Je devine qu'elle fait ça pour alerter tout le monde. Cirice rit de plus belle.
- Si t'attends qu'on vienne te porter secours à toi et ton petit toutou, c'est peine perdue.
La peur se fait plus présente suite à ses paroles.
- Qu'est-ce que t'as fait ? la questionne Louise, redoutant le pire. Elle retient son souffle.
- Deux somnifères dans la tasse de thé de votre nounou, ironise-t-elle. J'ai cru comprendre qu'elle s'appelle Rose. Actuellement, elle dort à poings fermés, impossible pour elle d'entendre quoi que ce soit. Quant aux autres, ils sont enfermés à double tour dans leur propre chambre, achève-t-elle fièrement, secouant le trousseau de clefs du bout des doigts.
Louise se passe une main sur le visage. Je sens son exaspération d'ici.
- Mais t'es une vraie tarée... Et on peut savoir quel est ton but ? T'es jalouse qu'Haatlae ait trouvé mieux ?
Je suis impressionnée par son sang-froid.
- Toi, mieux que moi ? Laisse-moi rire. Regarde-toi un peu, tu fais pitié avec tes marques d'automutilation. T'es juste bonne à chialer et te faire souffrir toi-même. Je risque pas d'être jalouse d'une telle personne.
Sa pique touche sa cible en plein centre. C'est en découvrant la souffrance apparente de mon amie que je me lève tel un diable pour venir me placer à ses côtés. Je lui prends la main, aussi fort que je le peux. C'est à moi de faire face à Cirice, maintenant. Celle-ci soupire.
- Arrête de résister, tu veux ? Tu viens avec moi, que tu le veuilles ou non.
Les doigts de Louise enlacent les miens.
- Le choix me revient, Cirice.
Elle s'assoit sur le bord du lit où j'étais quelques secondes plus tôt, exaspérée. Je me concentre de toutes mes forces pour arriver à reproduire ce qu'il s'est passé il y a quelques heures. Après maintes reprises et ce qui me semble une éternité, j'y parvins enfin. Je rentre dans la tête de Cirice tant bien que mal.
Soudain, les souvenirs affluent droit dans mon esprit. La lourdeur et la gravité m'accablent et me clouent sur place. Les larmes montent, mordant la chair intérieure des joues de Cirice. J'ai accès à toute l'histoire de celle qui a toujours été mon amie. Et maintenant, je comprends mieux tous les agissements de Cirice. J'ai honte de l'avoir rejetée. Impossible de supporter ce spectacle mental plus longtemps, mon âme reprend place dans le bon corps. Je pleure pendant que Cirice affiche une mine stupéfaite.
- Putain mais c'était quoi ça ? crache-t-elle en regardant ses mains.
Les larmes dégoulinent le long de mes joues, telles un torrent de souffrance.
- Haatlae, c'est toi qui as fait ça ?
Louise me prend doucement dans ses bras. Je la repousse d'un coup d'épaule pour courir me coller contre Cirice.
- Je suis tellement désolée, je m'écrie entre deux sanglots.
Je sens Cirice relever la tête vers Louise.
- Qu'est-ce que je t'avais dit, déclare-t-elle.
Un coup dur et froid m'atteint à la tête, puis le néant s'impose à moi.
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Le monstre et l'ange
Misterio / SuspensoHaatlae a un rêve : connaître l'amitié. Malheureusement, son apparence inhumaine l'en empêche. Alors, depuis des années, elle se renferme sur elle-même, hait son corps. Elle a su se faire violence et accepter, même difficilement, sa punition. Cette...