Perdue

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"Tear" passe dans mes écouteurs. J'augmente le son et range le portable dans ma poche. Je passe la porte de la maison. Avec le froid se levant à l'extérieur, la poignée refroidi la pulpe de mes doigts. Je me retrouve dans la rue, vide comme à son habitude. De toute façon, je n'ai rien à craindre ici, que pourrait-il bien arriver maintenant ? Bien qu'il ait commencé à se faire tard, l'envie d'aller faire un tour nocturne a eu raison de moi. J'avais besoin de me sentir enivrée dans cette atmosphère si particulière que l'on ressent le soir. J'avais besoin de me sentir libre de toute attache seulement quelques instants.
Par automatisme, je me dirige vers l'arrêt de bus proche de la maison. Par inadvertance, mes pas ont pris le rythme de la musique que j'écoute inlassablement. Je me laisse petit à petit emportée par cette ambiance si chère à mon cœur. Je ferme de temps à autre les yeux mais quand je les ouvre de nouveau, ce n'est que pour les lever au ciel. Je suis totalement laissé émerveillée par la beauté des étoiles. Le ciel est presque entièrement dégagé. C'est apaisant de voir danser le peu de nuage au même rythme que moi. La légère brise fraîche tournoie également. Mon pas devient de plus en plus léger. Je me suis laissée tomber dans mes songes. J'ai abandonné toute peur. Tellement légère qu'il flotte presque à la surface des flaques d'eaux que je traverse.
J'arrive devant l'arrêt. Je décortique ses parois en les parcourant du bout des doigts. Ses reliefs me renvoie au touché de la table en bois massif que nous possédions avant que ma mère ne décide de l'enmener avec elle et de ne plus revenir. Je continue d'explorer les planches entreposées, cherchant un peu d'inspiration. Je fini par sortir un feutre noir de ma poche. Pourquoi ne laisserai-je pas une trace indélébile ici pour que l'on ne m'oublie jamais ? Je fixe la paroie afin de visualiser l'ampleur de mon idée. Je souffle quelques petits panaches de fumée provoqués par le froid avant de faire quoi que ce soit. Ma main a prit le relais et le dessin commence à prendre forme. Les mouvements du feutre s'entremêlent presque avec la mélodie qui se répète en boucle dans mes oreilles et qui me donne tant de force. De ce melange naît quelques fleurs ornées de perles, surplombé d'un avion en papier. Je conclue en signant puis recule pour avoir une vue d'ensemble. La douce pression qui a fait battre mon cœur se dicipe en parcourant mes bras, mon torse et mes jambes. Je souffle enfin. Sans prévenir la musique se stoppe une fraction de seconde. Me laissant là, immobile et abandonné par ma douce torpeur. Soudainement, une nouvelle se lance. "Singularity". La transition quelque peu brève ne m'empêche pas de replonger à nouveau dans une douce euphorie. Le temps que la musique change, j'ai pu reprendre un peu mon souffle mais je commence aussi à me crisper à cause du froid. Il se fait tard et la chaleur de mon corps s'amenuise. Il est temps de rentrer.

"petit guide des grandes Espérances"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant