Chapitre 2 : « Le pacte avec le diable »

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MARIE LOUISE : C'est bon les gars, on reprend. Attention M. GAYE, ça tourne.

M. GAYE avait choisi de se relever cette fois-ci. L'infirmière lui avait mis un énorme coussin afin qu'il puisse s'adosser.

M. GAYE, pouvez-vous nous parler d'Oumeyra SVP ?

Il se mit immédiatement à sourire. Il reprit son souffle, puis poursuivit de plus belle :

M. GAYE : Oumeyra. Elle était aussi jolie que son prénom. A l'époque, elle avait deux ans de plus que moi. Cela ne se voyait pas bien sûr, car vous savez combien nous, hommes sommes très précoces. Nous passions beaucoup de temps ensemble à cause des cours qu'elle me dispensait. Faut dire que j'étais quand même très débrouillard et parvenait à avoir plus de la moyenne. J'arrivais à tenir pleinement une conversation en français sans faire de faute. Je n'arrêtais pas de m'améliorer au fil des années. Un soir, je me décidai à l'inviter à sortir. Beaucoup de nos collègues me trouvait culotté. Ils faisaient partie de ceux qui étaient contre le fait qu'un jardinier/gardien drague une institutrice. Mais je n'avais aucun complexe. Je gagnais ma vie honnêtement et je savais correctement m'exprimer. Oumeyra, n'était pas comme ces femmes matérialistes, elle était plus réfléchie. Elle accepta donc mon invitation. J'ai tenu à sortir le grand jeu ce soir-là et je l'ai emmené dans un restaurant classe. Tout mon salaire y passa, mais je ne le regrettai pas. C'est à partir de ce jour que nous avions commencé à sortir ensemble en toute discrétion. Contrairement à la mienne, sa famille était riche. Elle était fille d'un médecin de renommée et d'une mère pharmacienne. J'étais allé lui rendre visite une fois, mais cela avait été une erreur. Sa famille n'avait pas arrêté de me toiser. Dieu sait que j'étais correctement habillé. Ils avaient dit à Oumeyra que le problème n'était pas le boulot que je faisais, mais que je ne leur inspirais pas confiance. Cela ne changea rien dans ma relation avec cette dernière. J'ai cumulé mes deux emplois pendant pratiquement quatre ans. Je m'étais inscrit parallèlement en cours du soir. J'obtins alors mon BFEM et mon Baccalauréat. Toujours avec Oumeyra à mes côtés. Ses parents avaient fini par découvrir que notre relation était toujours d'actualité et ont voulu la donner en mariage au fils d'un de leur ami, qui en était fou. L'idée de perdre cette femme ambitieuse, généreuse et bien m'était impossible. Elle me proposa d'aller demander sa main. Elle me remit également de l'argent pour compléter la dot. Fier que je suis, je refusai. J'irai demander sa main avec ce que j'ai. Si ses parents acceptent c'est tant mieux, sinon je laisse tomber. Comme je m'y attendais, son père m'avait renvoyé comme un malpropre. Je dis donc à Oumeyra que notre relation s'arrêtait là.

Je cherchais un autre boulot. Maintenant que j'avais mon Bac en poche, je ne pouvais pas continuer à être gardien et jardinier. Je voulais une belle vie et largement plus d'argent.

Je le laissai finir avant d'enchainer avec une autre question :

-MARIE LOUISE : C'est bien que vous mentionnez le fait que vous vouliez une belle vie et beaucoup d'argent. Il y avait une rumeur qui circulait et qui disait que vous étiez un franc maçon et que vous avez vendu votre âme au diable. Est-ce vrai ?

M. GAYE baissa la tête tout d'un coup, essuya son visage avant de poursuivre :

-M. GAYE : Franc maçon, non. Est-ce que j'ai vendu mon âme au diable ? Possible.

J'étais découragé. J'avais fait plus de cent dépôts. Aucune entreprise ne m'avait donné de réponse favorable. J'étais né pour briller. Alors, je ne pouvais pas passer ma vie à faire des boulots minables. Tous les soirs, je me rendais à la plage afin de méditer. Et c'est là, que le jour de mon anniversaire, le 10 octobre, alors que je rentrai dans ma trente cinquième année, il m'a trouvé. C'était un vieillard vêtu de haillons. Il vint vers moi et me dit qu'il avait l'habitude de me voir toujours assis à la même place ; Que j'avais l'air préoccupé. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sentis assez à l'aise pour lui parler des raisons pour lesquelles j'étais découragé et préoccupé. Je m'attendais à ce qu'il me dise de prier comme le fait souvent les personnes de cet âge, mais non. Il me posa une question :

-LE VIELLARD : Es-tu prêt à faire ce qu'il faut pour devenir riche, mon fils ?

Sans réfléchir, je lui dis un énorme « OUI ». Tout ce que je voyais à l'instant présent, c'était la gloire. J'étais prêt à faire ce qu'il fallait pour l'obtenir. Il prit une feuille de papier et me donna des sacrifices à faire. C'était très simple et je fis ce qu'il me demanda sans aucun problème. Il rajouta qu'après avoir acheté le tout, qu'il fallait acheter une bouteille vin. Mais pas n'importe laquelle, la plus chère que je verrai.

Le vieillard me fit comprendre que la bouteille de vin était la pièce maîtresse du jeu ; Que c'est ce qui me permettra de devenir riche rapidement et de le rester.

Je lui demandai de me laisser penser à tout cela. Je voulais savoir ce qu'il y gagnerait. Il me dit qu'il me le dira lorsque je serai riche. Je repensais à Oumeyra, à la minable pièce qui me servait de dortoir, alors je lui dis que j'étais OK. Il me remit donc son numéro téléphone.

J'avais suivi les directives du vieux à la lettre. Je ne cessai de tourner du lit. Était-ce de la culpabilité ou plutôt la satisfaction de savoir que j'allais enfin devenir riche ?

Le lendemain matin, après avoir pris ma douche, le vieux me demanda de passer. Je remarquai à côté de lui, une mallette remplie d'argent. Vous ne me croirez surement pas, mais je dis la vérité. Elle était pleine à craquer. D'où venaient tous ces CFA ? Je l'ignore jusqu'à présent ; Mystère et boule de gomme...

Quelle fut ma réaction ? J'étais émerveillé. Je n'avais jamais vu autant d'argent. C'était donc le moment de démissionner et de commencer la vie qui m'était destinée. J'avais pleins d'idée de projets que je comptais mettre sur pied. Je m'achèterais une voiture et un appartement en attendant de pouvoir acheter une villa. C'était magnifique. J'étais enfin riche. C'est de là que je commençai à bâtir mon empire petit à petit. C'est la toute première fois que j'en parle. Vous me jugerez sûrement, mais beaucoup ont fait comme moi ; Tout cela pour de misérables billets...

Les gars et moi étions choqués par cette révélation. C'était donc vrai quand certaines personnes disaient qu'il avait vendu son âme au diable. Cela me donna l'idée de lui poser cette question :

-MARIE LOUISE : M. GAYE, êtes- vous croyants ?

M. Gaye, sourit une fois de plus :

Très bonne question, ma fille. Puis-je vous appeler ainsi ? Disons qu'à cette époque, la religion et moi faisions deux. Il est bien vrai que j'étais né musulman. Mais depuis que j'avais quitté le village, mon front n'avait pas touché de nappe de prière. Aujourd'hui, j'apprends petit à petit à renouer les liens avec le tout puissant. C'est la meilleure des choses à faire, surtout quand on est mourant et que l'on a beaucoup de choses à se faire pardonner.

Les propos de M. Gaye avaient heurté nos sensibilités même si nous refusions de le laisser paraître sur nos visages. Il y avait trop d'informations pour moi. Je préférai marquer une petite pause dans le jardin. Je venais de comprendre pourquoi il nous avait dit dès le départ que certains passages risqueraient de ne pas nous plaire ou même de nous choquer. J'avais toujours été persuadée qu'il avait obtenu sa richesse par la sueur de son front. D'accord, c'étaient ses idées qu'il avait développé et tout, mais ce vieillard l'avait aidé à matérialiser cela.

Qu'est-ce que les gens ne seraient pas prêts à faire pour de l'argent ?

La question que je me pose est quelle sera la conséquence de ses actes ?

Je suis sans voix...

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Destin forcéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant