Sixième Esquisse

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Dimanche soir. Mon père venait à peine de rentrer avec David qui ne m'a pas adressé la parole jusqu'au dîner. Ma mère a dû réinventer l'histoire comme d'habitude pour me faire passer pour la méchante. Quelque peu vexée, je ne cherche pas à nouer le contact avec lui et le laisse faire sa vie de son côté. Il est jeune, il y a tout un tas de choses qu'il ne sait pas sur cette famille qui est la nôtre et j'espérai pour lui qu'il n'aurait pas à les connaître de si tôt. Assise sur mon lit, pensive, un son persistant provenant de mon ordinateur me fait revenir à la réalité. C'est un appel de Dean. Je fixai l'écran sans bouger jusqu'à ce que l'appel se termine mais très vite suivit un message de sa part sur mon téléphone me demandant de le rejoindre sur Skype. Un long soupir sortit de ma bouche, je n'ai jamais été aussi peu engageante à vouloir lui parler. J'attrapai mon ordinateur avec nonchalance pour le poser mon lit et rappelai mon petit ami dans la minute qui suivit.

-Salut ma belle. Me sourit-il de toutes ses dents.
-Salut. Repondis-je d'un sourire pincé.
-Alors, ça a été chez ta mère ?
-Ouais, impeccable !

Pour une raison qui m'échappait, j'étais incapable de lui dire la vérité. Et après réflexion, je ne savais pas si c'est parce que j'en étais incapable ou parce que je ne voulais tout simplement pas qu'il le sache. Il en fait toujours des tonnes pour si peu et a cette manie de s'approprier les histoires des autres et d'en faire une affaire d'état. Je suis sûre que si je lui parlais de mon week-end désastreux il pourrait téléphoner à ma mère pour prendre ma défense.

-T'as l'air ailleurs. Me dit-il.
-Ah ? Désolée, je m'en rends pas compte.
-Sibylle, je voulais te parler d'une truc important.
-Oui ?
-J'ai l'impression que tu t'éloignes de moi.
-Pourquoi tu dis ça ?
-T'es plus aussi contente en me voyant, tu me parles moins, on se voit moins. Tu passes beaucoup de temps avec Tom aussi.
-Je passe pas beaucoup de temps avec Tom, Dean. J'ai même pas son numéro.
-Je sais qu'il a dormi chez toi.
-Comment t'es au courant ?
-Je le sais c'est tout. T'invites quelqu'un que tu connais à peine et même pas ton petit ami. Il y a un truc entre vous ?
-Non il n'y a rien. Soufflai-je agacée.
-J'aimerai vraiment que ça marche entre nous, tu sais je t'aime. Tu m'as plu dès le premier jour et je m'investis vraiment dans cette relation, si jamais j'ai mal fait quelque chose ou que tu veux que je te colle un peu moins je peux le faire. Je suis vraiment près à tout pour qu'on soit heureux ensemble et surtout que tu te...
-Dean, c'est finit. Le coupai-je dans son monologue, les yeux dans le vague.
-Quoi ? Rétorqua-t-il avec les yeux d'un chien battu.
-Au revoir Dean. Conclus-je en fermant l'ordinateur.

À quoi bon persister, David avait raison. Si les sentiments ne sont qu'à sens unique ça ne sert à rien de s'obstiner. Mon père toqua légèrement à la porte me prévenant qu'il allait se coucher et me souhaita une bonne nuit. Je sortis de ma chambre pour me rendre à la cuisine et me faire un chocolat chaud. Cette conversation avait grandement puisée dans mon énergie et j'avais besoin d'un peu de réconfort. Tout était plongé dans le noir bien qu'il soit encore relativement tôt, mais mon père a fait beaucoup de route en peu de temps et devait être exténué. Je sortis ma tasse du micro-ondes et partis me planter devant la baie vitrée du salon. J'adorais faire ça lorsque tout le monde était couché. De temps à autre, je me faisais un thé ou un chocolat bien chaud et je le dégustais en regardant la ville agitée depuis mon salon. Les rues étaient pleines de monde et pourtant, vue d'ici, tout semblait si calme. J'aurais aimé que ce paysage soit celui de Brighton, la mer calme du soir, le son du vent sur l'eau, l'air marin et le Brighton Pier qui brille de mille feux. Elle me manque cette vue. Je soufflai, quelque peu mélancolique, en prenant une gorgée dans ma tasse et m'étouffai presque en voyant une voiture qui m'était fortement familière garée en bas de l'immeuble. Je posai le mug sur la table, enfilait mes bottes et mon manteau et descendis les escaliers en petites foulées. Tom était là, emmitouflé dans sa parka bleue nuit, appuyé contre sa voiture complètement absorbé par son téléphone.

-Salut. L'interpelai-je calmement.
-Salut. Me sourit-il.
-Qu'est-ce que tu fais ici ?
-Je passais dans le coin et je me suis dis que je passerai te voir puis je me suis rappelé que tu avais cours demain alors je ne suis pas monté. J'allais repartir.
-Ah d'accord, fait attention sur la route. Souris-je.
- Ouais euh... puisqu'on est là tous les deux, tu veux pas faire un tour d'une petite heure ?

Je le regardai longuement sans rien dire, pesant le pour et le contre. Après tout, qu'est-ce que je risque ? J'acquiesçai d'un signe de tête et il fit très vite le tour de sa voiture pour m'ouvrir la portière. Je réalisai au moment où il démarra la voiture que j'avais complètement oublié de prendre mon téléphone puis je relativisai, j'allais être de retour dans une heure. Mon père ne se rendrait compte de rien.

J'étais contente que Tom soit là, mon week-end avait été désastreux et j'avais bien besoin de passer du bon temps avec quelqu'un. Nous qui échangeons habituellement beaucoup je n'osais pourtant pas ouvrir la bouche pendant le trajet. Cette petite soirée s'annonçait plutôt tranquille.

Huit heures, le réveil sonne. Je m'étire de tout mon long sentant comme un obstacle sur ma gauche. David avait sûrement dû me rejoindre pendant la nuit et oublier de repartir se coucher dans son lit avant le petit jour. Je frappai d'un coup sec sur le réveil après m'être étirée et sortis difficilement du lit, assaillis par la fraîcheur de la pièce. J'attrapai un plaide sur le lit et ouvris les rideaux pour laisser rentrer la faible lumière du jour qui peinait lui aussi à se lever et mon cœur se stoppa net. La mer était juste sous mon nez. Les vagues se jetaient sur le sable et le Brighton Pier venait à peine d'éteindre ses néons. Je posai une main sur la vitre comme pour me dire que j'étais en train de rêver mais en tournant sur moi-même je me réalisai que cette chambre n'était pas là mienne et que David n'étais pas dans mon lit, c'était Tom.

-Thomas, Thomas réveille toi !!! Le secouai-je complètement affolée.
-Hmm oui ? Grogna-t-il.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi on est à Brighton ?!
-Tu te rappelles pas de la nuit dernière ? Demanda-t-il en s'appuyant sur ses coudes.

Mais... Quelle nuit dernière ?!!

Linked - Tom HollandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant