À toute allure

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Et c'est là que je vis le regard de Yuri. Perdu, effrayé, mais à la fois rassuré à la minute où il savait que je ne suivais pas. Je n'étais pas Einstein, mais j'avais de l'intuition. Mon seul et unique ami avait des ennuis. Mes jambes commencèrent à courir avant même d'y avoir pensé, et j'étais essoufflé, mais je courais, et je tombais, mais me relevais.
Très vite, j'avais repéré la voiture, et très vite j'étais sur ma moto. Je roulais à vive allure pour ne pas perdre de vue la Mercedes qui semblait me fuir.
Lorsque j'arrivai à hauteur de fenêtre, le poids du monde s'écrasa sur mes épaules : ils s'embrassaient. Elle l'écrasait de tout son poids sur la banquette arrière et il ne disait rien, il se laissait faire. Je ne pu retenir une larme ni même l'évidence ; j'avais mal parce que je l'aimais. Puis mes yeux sombres, bien qu'embués, vinrent se poser sur une arme et les liens qui enserraient mon Yuratchka. J'avais compris. Je regardai devant moi, évaluant tout de la situation. Mon calcul effectué, j'étais prêt: je fis rouler le moteur plus vite que je n'étais allé auparavant, puis je tournai d'un coup sec sur ma droite.
L'expression "voir sa vie défiler devant ses yeux" perd tout son sens, lorsque l'on est confronté à pareille situation. La seule chose qui occupait ma pensée en cet instant était Yuri en train de patiner. Mais peut-être qu'au fond c'était lui, ma vie, ma renaissance.
Et ce fût le choc.
Une violente douleur puis plus rien. C'était donc cela, la mort, la fin ? À peine avais-je réalisé le sens de mon existence que déjà elle prendrait fin ? Non. Je refuse de me laisser faire. Yuri était encore là, attaché dans cette voiture profitant de ma diversion pour fuir. C'est alors que j'ouvris un œil, puis l'autre. Et au dessus de moi se dessinait le visage de cette Lucie, cette abominable créature. Elle rigola, mais elle était trop occupée à me narguer pour remarquer la portière du fond en train de s'ouvrir. Yuratchka avait encore les poings liés mais il s'était débarrassé des cordes qui l'empêchaient de courir. Il me jeta un regard, hésita, mais je lui fis non de la tête, assez fermement pour qu'il comprenne le vrai sens de mon acte : "fuis". Il courut, semblant à la fois reconnaissant et troublé. Lorsqu'il fût enfin assez éloigné, je pu enfin fermer les yeux, en paix. La douleur s'arrêta progressivement, mes jambes ne me lançaient plus et mon bras semblait n'être qu'un lointain souvenir, comme si tous mes membres quittaient mon corps sans que je n'en ressente la douleur. Avant que mon audition suive le mouvement, je pu entendre Lucie hurler sur son chauffeur qui n'avait pas surveillé "son amour". Je me rappelle la satisfaction éprouvée avant de sombrer dans un monde hors du temps, le meilleur cadeau que l'on pouvait me faire.

Le réveil fût douloureux.

LE REPOS APRÈS LA FINALE ! (OTAYURI) [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant