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Joy
_Le trafic londonien rugit de son bourdonnement incessant. Parvenir à le discerner par-dessus mon moteur est devenu mon petit jeu de patience favori. Quand c'est comme ça, je ne prends même pas la peine d'allumer la radio, dont le volume n'est pas suffisamment puissant pour couvrir les vrombissements erratiques de mon « tacot », comme l'appellent injustement mes « amis ». Pour moi, elle restera simplement Pénélope. Au volant de ma belle rouge, je me sens pourtant libre comme l'air. Aussi libre qu'il m'est accordé de l'être avec une voiture aussi ancienne, certes, mais bien moins tributaire des horaires de métro. Voyons le bon côté des choses.
Je prie pour que la circulation reprenne rapidement afin que l'aiguille de température du moteur ne flambe pas une nouvelle fois, m'obligeant à m'arrêter. Heureusement, une fois sortie des grands axes, tout rentre enfin dans l'ordre. En cette fin d'après-midi de septembre ensoleillée, une douce lumière baigne la ville sous un voile orangé. J'arrive devant l'immense demeure de ma meilleure amie sur les coups de dix-huit heures. Sur le haut des collines de Primrose Hill, la vue sur le coucher de soleil est captivante. Ava est vraiment chanceuse de pouvoir profiter d'un tel panorama. Sa voiture et celle d'Alex sont bien garées dans l'allée, preuve que je peux sans vergogne m'inviter à l'improviste sans craindre de couper court au rendez-vous privé de l'un d'entre eux.
Lorsque j'éteins le moteur, mes oreilles retrouvent le silence. Un petit battement de cœur me surprend au même instant en entendant mon téléphone sonner une fois encore. De l'autre côté de l'Atlantique pour quelques jours, Harry ne cesse de me bombarder de messages depuis son départ. Il me tient informée de ses moindres faits et gestes. Cette attitude pourrait rassurer plus d'une femme, mais dans mon cas, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter encore plus. Ça ne lui ressemble pas et j'ai presque envie de lui dire gentiment de profiter de son voyage, car je sais qu'il perd forcément du temps et de l'implication en pensant à m'envoyer un petit mot toutes les heures.
Harry, 17:58 : « On vient de me faire écouter l'instrumentale. C'est dément. Lana enregistre le chant demain. J'ai hâte de voir ce que ça va donner :) »
C'est fou, mais même les smileys qu'il intègre à ses messages m'irritent, comme s'ils sonnaient faux. Je n'arrive pas à rester sereine et à admettre qu'il s'agit simplement de mon petit ami qui me raconte sa vie professionnelle singulière.
Moi, 17:59 : « Je suis sûre que ce sera extra. Profite bien de ton séjour new-yorkais. Et n'oublie pas mon autographe quand tu la verras ! »
Harry, 18:00 : « C'est déjà fait. »
Dans l'instant suivant, une image de la signature en question me parvient. La chanteuse américaine a simplement gratifié mon exemplaire de son dernier album d'un « Pour Joy, musicalement, Lana Del Rey ». Plus impersonnel, tu meurs, même si le minuscule cœur qu'elle a dessiné en dessous relève un peu le niveau.
Je sors sur la rue et m'assure que chaque portière est bien verrouillée. La fermeture centralisée se montre parfois capricieuse. Il ne manquerait plus qu'on me la vole.
C'est la carrure massive d'Alex qui m'ouvre la porte. Il affiche immédiatement un air consterné, comme il a l'habitude de le faire pour me charrier.
- Laisse-moi deviner... Commence-t-il, cherchant une vanne à me balancer au nez. Ton chauffe-eau a encore rendu l'âme ?
- Dans le mille. Trois jours sans douche, je te laisse imaginer les dégâts... D'autant plus que ça me gratte de plus en plus au niveau de...
Ses yeux s'arrondissent, conscient que je suis la meilleure à ce jeu-là. Je m'apprête à joindre le geste à la parole, mais mon interlocuteur se débine et hurle le prénom de la propriétaire.
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YOURS. // Tome 4
FanfictionIl existe des détails qui vous marquent au fer rouge à jamais. Écorché, Louis vit dans le tumulte de son passé, dont les douloureuses balafres ne sont désormais pansées que dans sa mémoire. De son côté, Ava s'épanouit enfin pleinement dans une carri...