Chapitre 10

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Joy
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Enchaîner trois gardes de nuit n'est clairement plus de mon âge. À la suite d'un tel marathon, il me faut toujours une bonne heure pour émerger. Je viens de terminer un petit déjeuner tardif et bien copieux laissé à mon intention dans la cuisine par le propriétaire des lieux certainement sorti pour son footing du soir. Lorsque j'ai travaillé jusqu'au matin, Harry a pris pour habitude de me laisser dormir à ma guise. En général, je ne suis jamais très loquace au réveil et je pense qu'il l'a bien compris.

Après avoir débarrassé l'immaculée cuisine de toute trace de mon festin, je ressens une envie pressante de soulager ma vessie. Je lance un morceau des Clash, profitant de l'intimité de la grande maison pour brailler à pleins poumons et rejoins les toilettes en laissant la porte ouverte, sachant qu'Edgar va miauler derrière si je la ferme. Dans les minutes qui suivent -et entre deux couplets de « Should I stay or should I go » où je me suis égosillée- je perçois le bruit significatif des clés de Harry contre le meuble de l'entrée. Je scelle mes lèvres, plus honteuse qu'il ait entendu ma voix de Castafiore sous acide qu'il ne me découvre en train de faire pipi la porte ouverte. Enfin, à vrai dire, c'était caca. D'ailleurs, dès qu'il met les pieds dans la cuisine et me découvre les fesses ancrées aux toilettes, aucune gêne ne transparaît dans son regard. Il me sourit et commence à me faire la conversation.

- Je me suis arrêté chez le primeur en rentrant. M'explique-t-il en posant un sac en papier kraft sur la table.

Vêtu d'un sweat épais, il s'en débarrasse, dévoilant quelques instants la rangée de pectoraux dissimulés sous son t-shirt humide.

- Tu as pensé aux oranges ?

Il me présente le fruit de ses emplettes, dont un gros sachet de belles oranges à presser. Goût de luxe quand tu nous tiens.

- J'ai aussi pris du muesli bio et de quoi faire des smoothies.

J'acquiesce et ris intérieurement. Je n'ai jamais été friande de tout ce qui est à base de graines, à part pour faire une jolie photo healthy à poster sur Instagram.

- Au fait, si jamais on fait appel à des chœurs sur la prochaine tournée... Commence-t-il en arborant un air taquin.

Je m'essuie, relève ma culotte et tire la chasse. Il ne va tout de même pas oser.

- ... rappelle-moi de te promouvoir choriste principale. Ta voix ferait des ravages.

Je prépare ma riposte tout en me lavant les mains.

- Fais attention, je serais tout à fait capable de créer un putsch en mettant Mitch dans le coup... Tu t'en souviendrais des années.

Lorsque je le rejoins dans la cuisine, mon jean à moitié remonté, le comique de la situation semble nous sauter aux yeux à tous les deux en même temps. Oui, nous sommes désormais ce genre de couple capable de continuer son train-train quotidien tout en étant sur le trône l'un devant l'autre.

- Je crois que l'on vient de franchir un cap. Me dit-il en accentuant ses adorables fossettes.

- J'ai bien l'impression.

Harry délaisse son activité rangement pour contourner la table et me rejoindre. Sommes-nous en train de commettre une erreur en abolissant de la sorte les barrières de la pudeur ? Notre attirance risque-t-elle de s'étioler face à des scènes telles que celle-ci, bien au-delà du glamour d'un début de relation ? Cet excès de confiance que nous nous accordons désormais donne lieu à des moments d'interrogation liés à mon inexpérience en matière de vie à deux, mais Harry sait parfaitement comment les élucider à sa manière. Il serre mes joues entre ses grandes mains et dépose un baiser sur ma bouche formant un cul-de-poule. Je ne peux m'empêcher de trouver son geste beaucoup trop adorable.

YOURS. // Tome 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant