Chapitre 16 / L'amour rend aveugle

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Il tournait en rond dans la chambre d'hôtel, la tête baissée. Ses pas résonnaient sur le parquet de la chambre luxueuse. Élorie le regardait d'un oeil attentif, essayant de deviner ses pensées rien qu'en le regardant. Au début, elle pensait qu'il réfléchissait à la construction d'une machine capable de contenir la pierre dans son coeur. Mais le temps passait et il avait l'air contrarié.

C'était une belle journée pourtant, ils étaient sur le chemin de la réussite. Les lumières de la ville éclairaient la chambre d'hôtel et faisaient oublier le teint pâle d'Élorie. N'en pouvant plus de ne pas comprendre, elle coupa le silence :

-Qu'est-ce qui se passe ?

Tony sentit dans la voix d'Élorie qu'elle était un peu contrariée par son comportement. Il poussa un soupir et vint s'assoir dans le canapé qui faisait face à son fauteil. Son air grave ne rassurait pas Élorie. Il avait l'air épuisé. Vraiment épuisé. Elle savait que c'était à cause d'elle et ça lui brisa le coeur. C'était dans ces moments comme ça qu'elle regrettait s'être laissée embarquée par Tony plutôt que d'être restée à l'hôpital. Et elle savait comment il était, quand il était aussi épuisé. Tony hésita un moment avant de souffler :

- Je ne sais plus ce que je dois faire.

- Comment ça ? Tu ne sais comment contenir la pierre ? Tu aurais pu juste me demander au lieu de fulminer, tu sais.

- Non. Je sais comment te sauver. Je
...il marqua une pause et les mots lui arrachaient la gorge, je ne sais plus si je dois te sauver.

Le sang d'Élorie ne fit qu'un tour. Elle ne s'attendait pas à ça. Elle ne l'imaginait pas capable d'abandonner. Elle essaya de capturer ses yeux dans les siens mais il baissait la tête. Non, elle n'était pas en colère. Elle savait qu'il y avait une raison à son hésitation, et elle allait la démonter pièce par pièce, patiemment. Pas dans son intérêt, mais dans celui de Tony.

Le silence régnait et, sentant l'énormité de sa phrase, Tony sentit qu'il devait s'expliquer.

- Tu as entendu le sorcier ? On ne sait pas ce que tu seras si l'opération réussit, tu ne seras peut-être plus la même. Et si elle échoue, j'aurai raccourci tes derniers temps.

Ça n'avait aucun sens. Ou plutôt, à cet instant précis, ça n'avait aucun sens. Ça sonnait tellement faux. Elle pouvait le sentir. C'était ça, qui commença à l'agacé. Il n'y avait plus assez de temps pour se permettre le luxe du mensonge et il mentait. Doucement et essayant de paraître patiente, elle répondit:

- On était conscient de ça. Tu étais conscient de ça. Tu m'as emmené ici parce que tu voulais saisir la seule chance qu'il nous restait. Alors je ne crois pas à ton discours. Tony, je suis à cours de temps, je ne peux plus me permettre d'entendre des mensonges.

Tony avala sa salive et releva la tête vers Élorie. Il savait combien de temps il lui restait. A peine quelques semaines. C'était déjà ça, pensait-il. Mais il savait que ça ne serait jamais suffisant. Elle avait le regard doux et mourant. Il avait le regard épuisé mais désespérément vivant. Alors il se leva et vint s'agenouiller devant son fauteil. Il lui prit la main, par crainte de ce qu'il allait dire.

- L'opération aura lieu dans la semaine, avant que tu sois trop affaiblie. Si l'opération réussit, tu devras rester avec le sorcier. Tu sais très bien que je ne pourrais pas rester avec toi, ordre du sorcier. Le temps qu'il nous reste, dans ce cas, est court. Alors que si on ne fait pas cette opération, je resterai plus longtemps avec toi.

Élorie eut du mal à accepter en premier temps cette réponse et bredouilla simplement :

- Je ne vois pas vraiment où tu veux en venir.

- Je peux te sauver mais je devrai t'abandonner à un autre.

- Ce que tu dis n'a aucun sens ! Tu ne m'abandonne pas, je serais toujours à toi, Tony. Tu pourras toujours venir me voir.

- Mais tu ne vivra pas avec moi.

- Je vivrai.

Bien sûr, Tony avait peur. Il se releva et s'eloigna d'elle. Il était en colère qu'elle accepte de vivre séparé de lui, comme si il n'était pas si important pour elle. Seulement, c'était justement parce qu'elle tenait à lui qu'elle acceptait de vivre séparé de lui, de vivre tout court. Elle savait qu'il était en train de perdre son sang-froid, qu'il faisait une erreur. Elle savait que si elle renonçait et vivait jusqu'à sa mort avec lui, il se rendrait compte qu'il avait eu tort et qu'il s'en voudrait terriblement.

Évidemment, il ne s'en rendait pas compte et sentait qu'elle l'abandonnait. Que c'était elle qui ne se rendait pas compte de son erreur parce qu'elle était aveuglée par la peur de la mort. Ça le mettait hors de lui.

- Tu as peur de la mort, et de perdre tout ce qui t'importe, alors tu rejettes la personne qui t'importe le plus. balança t-il.

Il inversait les rôles et ça mettait Élorie en furie. Comment pouvait-il penser une telle chose ? Il délirait complètement, pensait-elle. Il avait l'impression qu'elle le rejetait en acceptant l'opération parce qu'il ne sera pas avec elle. Qu'elle était égoïste parce qu'elle avait peur de la mort. Ça, Élorie ne pouvait le supporter.

- Je n'ai pas peur de la mort, j'essaye d'aller de l'avant ! s'énerva t-elle.

-Parce qu'on ne peut plus te prendre ce que tu n'as plus !

Soudain, le silence. Élorie n'en revenait pas de ce qu'il venait de dire. Tony venait de réalisé la fureur de ses paroles. Il n'y avait plus que leur souffle. Là, Élorie fut vraiment blesser. Les dernières paroles de Tony signifiaient qu'elle accordait plus d'importance à sa propre vie qu'à Tony. Qu'elle n'accordait de l'importance qu'à sa vie et que maintenant elle n'en aurat bientôt plus, elle n'a plus rien.

Elle avala doucement sa salive. Elle n'était plus en colère. Elle était triste. Ils n'avaient pas le temps de se disputer, et pourtant ils le faisaient. Ils étaient misérablement humains.

- Je pensais que je t'avais.

Tony la supplia du regard de le pardonner. Mais ce n'était pas des mots. Ce n'était qu'un regard. Ce n'était qu'un réflexe.

Ils étaient comme ça tous les deux, depuis toujours. Depuis enfants. Ils se chamaillaient. Il faut croire que ça n'avait pas changer. Seulement, les chamailleries s'étaient transformés en dispute. Toujours, ils se réconciliaient. Mais il n'y avait plus de temps. Il n'y avait plus d'énergie, et il n'y avait plus rien à ajouter.

Tony prit sa veste, mit ses chaussures et ouvrit la porte d'entrée.

-Tony, avec ou sans toi, j'irai, le retint Élorie.

- Je sais.

Et il partit. Elle aurait voulu être en colère contre lui, parce qu'il fuyait, qu'il la laissait seule. Mais elle ne pouvait pas, elle le comprenait trop. Il n'était pas lucide. Elle devait l'être pour deux et sacrifier sa mort pour lui. Un jour, il la remerciera. Pour l'instant, il l'aimait.

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Golden Days [T.Stark] (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant