«Merry… C’est l’heure. »
Je remonte ma couette et grogne, je ne veux pas y aller et encore moins y assister. Ma couette reste mon bouclier contre ce que je m’apprête à vivre.
« Merry. » répète ma mère.
« J’arrive, laisse-moi. » dis-je en me tournant.
J’attends qu’elle ferme la porte pour souffler, j’entrouvre difficilement les yeux et fixe le plafond. Il y a deux semaines je ne pensais pas y aller, je ne pensais pas me vêtir de noir et aller dans cette église – ironie du sort je l’évitais souvent. Car oui, aujourd’hui on enterre ma meilleure amie.
J’attrape une robe noire en maille que j’enfile avant que mes pieds pénètrent mes escarpins lentement et je descends dans la salle à manger. Ma mère me fixe avec ce regard inquiet rempli de pitié. Elle aussi est en noire, comme la ville de Halley ‘s Cruch. Comme mon cœur d’ailleurs.
« Tu n’as pas faim ? »
« Non. »
Elle soupire en sirotant son café, je pivote les yeux et lit la une du journal : Disparition d’Annie Stevens, sa commémoration sera faite aujourd’hui à l’Eglise Eve.
***
« Si nous sommes ici, c’est pour commémorer la disparition d’Annie Stevens. Annie n’était pas seulement une fille souriante, mais elle était une aide et une amie pour tous. Un modèle de bonté et de dévouement pour ses amis et sa famille, ce… Meurtre marque nos mémoires, et nous espérons tous que cet assassin sera retrouvé. »
« Ils n’auraient jamais dit ça sans sa mort, ils étaient tous jaloux. » pensais-je.
« Salut… »
La voix de Lyn me tire de mes pensées, elle s’assoit à mes côtés et regarde le prêtre. Je tourne la tête et les parents d’Annie sont en pleurs, je ne supporte pas ça. Je me lève au bord de l’étouffement et quitte mon banc sous le regard compatissant des autres personnes.
A peine je franchis l’immense porte que je me cogne à quelqu’un, je ne prends pas la peine de le regarder, je remarque juste ses yeux gris nuages. Je frémis et sort sans excuses.
Dehors j’expire et essuie des larmes qui fuient de mes yeux. Elle me manque, tout me manque, ce n’étais pas une amie mais une sœur. Merde, Annie me manque et je camouffle mes sentiments en fuyant, on a tout fait ensemble et je l’a vois, dans un cercueil noir entouré de roses, sa photo au-dessus.
Sa mort, personne ne sait comment ça s’est passé, elle a été retrouvée près d’un parc sans aucune blessure. Aucune maladie et aucun coup ni même une empreinte. Elle avait seulement les yeux écarquillés. La police sait que ce n’est pas un animal. Encore moins un homme, mais alors... Qui ou qu’est-ce que c’est ?
« Merry… C’est à ton tour de donner un discours mais… T’es pas obligée d’y aller. » Murmure ma mère sur le ton de la défense.
« J’y vais pas, je vais prendre à boire et je rentre. »
« Ok ma puce. »
Elle me caresse les cheveux et retourne à l’intérieur pendant que je me dirige vers un pub. Après avoir obtenue ma boisson je ressors. Tout le monde est déjà sorti de l’église. La police aussi est là.
« Ah Merry ! Tu connais cet homme ? » Questionne Matt, mon ami.
Il pointe du doigt un homme de profil, très grand, aux cheveux noirs corbeaux. Sa mâchoire est sculptée, il a de beaux traits. Et il fixe les policiers d’un regard noir. Il me donne des frissons dans le dos.
« C’est quelqu’un de la famille d’Annie ? » renchérit Paris.
« Euh… Non je ne sais pas. Sûrement un ami de la famille. Je rentre au revoir. »
Je m’empresse de rentrer en croisant un autre homme, en costume blanc, de la tête aux pieds passant par ses cheveux, et une cicatrice sur sa joue. Il semble sorti d’un manga. Décidemment il n’y a que des gens étranges.
***
« Ah les parents d’Annie ont appelés pour que tu viennes récupérer ses affaires. »
J’enfile un gilet à capuche et traverse l’allée jusqu’à chez Annie. Je sonne mais c’est qu’après qu’on m’ouvre, les yeux de madame Stevens sont rouges et gonflés, elle me sert longuement dans ses bras avant de m’inviter à m’assoir au salon. Elle m’apporte un carton où « pour Merry » est inscrit au feutre. Je la remercie et m’en vais.
***
Je plonge la main dans la boite en carton et en ressort un album photo, je souris nostalgiquement et le pose à côté avant de répéter l’action. Un livre noir aussi, trois livres d’Agatha Christie, un bracelet en métal rose poudre que j’enfile et son journal intime.
Curieuse, j’entrouvre son journal à la dernière page.
« Mardi 17 Septembre 2013
Merde, merde et merde ! Je l’ai vu ! Il l’a lui a pris !! J’ai peur, il m’a vu l’apercevoir, il a vu mon visage. J’ai peur. Je le vois de partout. Ils existent, le livre coordonne et j’en suis sûr : Ils existent. Il fera tout pour que je ne parle pas, quitte à m’éliminer.
Ils existent…»
Je relis plusieurs fois, mon cœur explose dans ma poitrine, je suis sûr que cela a un rapport avec sa disparition, elle a vu quelque chose qu’elle ne devait pas voir. Oh mon dieu, il y a alors un meurtrier. Le livre… Sûrement ce livre noir. Je tremble de tout mon être. J’ouvre ma bouteille et boit quelques gorgées. Qui existe ? Ou quoi ?
Je suis prête à trouver son assassin, quitte à le regretter. Mais ce que je ne savais pas… C’est que mon imagination s’arrêtait bien avant ce que j’allais découvrir.
