08 - Chapitre 7

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Nous finissons de manger. Nous ne parlons pas beaucoup, mais ça ne me dérange pas plus que ça. En fait, ce qui me dérange le plus, c'est de ne pas savoir si ça embête mon interlocuteur de ne pas parler. Il y a tant de gens qui appellent ces moments de silence des « moments de gêne », alors que ça peut être un moment tout à fait agréable. Je suis convaincue que l'on a pas tant besoin des mots pour communiquer quelque chose.

après avoir terminé son dessert, Mark prend la parole.
« — Et toi alors, tu dois être contrariée de ne connaître personne ici.
— Oh ! Non, pas vraiment, c'est vrai que c'est un peu triste de ne pas connaître grand monde, mais ça ne me dérange pas de rester seule. Mark sourit.
— Moi non plus ça ne me dérange pas d'être seul, c'est vrai que ça permet de faire plein de choses pour t'épanouir, sans être dérangé par personne à part toi-même.
Est-ce qu'on continuerait la conversation que notre professeure de ce matin a subitement interrompue ? Je suis contente de voir qu'il s'ouvre de nouveau, d'ailleurs je ne peux pas m'empêcher de sourire.
Et... qu'est-ce que tu fais alors toi, pendant tes moments de solitude ? On dirait qu'à mes mots, ses yeux se remplissent d'étoiles.
— Je ne sais pas si c'est étrange mais... j'écris. J'écris des histoires, des textes, un peu de tout. Ah mais oui, c'est donc ça qu'il faisait en cours tout à l'heure ! Il a l'air tout timide, comme s'il avait peur de ma réaction. Mais moi je trouve ça super, et je compte bien lui montrer.
— Mais c'est génial ça ! Tu fais ça depuis longtemps ?
— Plutôt oui. Mais depuis que j'habite loin de mes parents, on va dire que l'activité s'est intensifiée haha...!
Le pauvre, c'est vrai que ses parents habitent encore à Vancouver... Ça me rend vraiment triste, mais ça me donne l'impression d'être utile pour lui, d'être un moyen pour lui d'extérioriser et d'avoir une oreille attentive.
— Tu les appelles souvent, je suppose ?
— Oui, au moins une fois par semaine, enfin, ma mère m'a appelé tous les soirs pendant deux semaines après que je suis arrivé à Toronto. » Il sourit, mais je sens qu'il fait un effort pour le faire. Il doit en avoir gros sur la patate...

Nous débarrassons nos plateaux et sortons du restaurant universitaire, et je garde un œil ému vers Mark. Je sais qu'on va devoir se séparer, puisqu'on a fini les cours aujourd'hui. À vrai dire, j'ai besoin de me reposer, mais l'imaginer seul dans son appartement me déprime. Je vais essayer de trouver un plan pour remédier à ça.

« — Tu prends le tramway ? Je lui demande.
— Oui, je m'arrête à Midtown, et toi ?
— Summerhill, on est sur le même chemin. » Il habite un peu plus loin que moi de la faculté. N'empêche, Midtown, c'est un quartier quand même classe, ses parents doivent avoir les moyens.

Nous prenons donc la route pour le tram, et pendant ce temps je réfléchis à ce que je pourrais faire pour sympathiser davantage. Évidemment, ça m'effraie, et j'imagine une montagne de scénarios possibles m'empêchant de le faire : il a certainement plein d'amis à Vancouver, il doit les appeler souvent, en plus ça ne le dérange pas d'être seul. Peut-être que je me fais des idées, et qu'en réalité il n'est pas si triste que ça. En pratique, c'est compliqué de s'approcher de quelqu'un qu'on connaît peu, de peur de trop rentrer dans son intimité et de le gêner. En tout cas moi, je n'aime pas qu'on me le fasse, alors je ne le ferai certainement pas aux autres.

Au moment où le tram s'arrête à mon arrêt, je lui fais un signe et il me sourit en retour. Je prend la route pour rentrer chez moi, et bizarrement je suis de bonne humeur malgré mon ignoble nuit de sommeil. Après, j'ai toujours les yeux qui piquent et un mal de crâne certain, et il va falloir que j'y remédie. Après avoir passé un court moment avec le chat de la voisine, je rentre les clefs dans la serrure de ma porte d'entrée et entre. Il est certainement dans les alentours d'1h de l'après-midi, mes parents ne rentrent pas ce midi, donc je suppose que j'ai une bonne période de temps pour me divertir... euh, travailler, bien sûr.

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Je passe une bonne partie de mon après-midi à danser et à peaufiner mes chorégraphies. Comme à mon habitude, après m'être bien dépensée, je regarde mon portable pour regarder si j'ai reçu des notifications ; sans surprise, un message de Jenna m'attend. En fait, j'avais hâte qu'elle me réponde. Je vais en profiter pour lui demander comment elle va.

Jenna : Il faut que tu sois naturelle, ma Mia. Donne-lui des signes d'intérêt par des gestes, et ensuite pose-lui des questions appropriées à la situation dans laquelle tu seras. Et surtout, sors de ta bulle ! N'hésite pas à t'inquiéter pour lui et lui dire, ça vous rapprochera (;

Ok, ok, je retiens tout ça. Je pense que j'ai respecté les étapes depuis le début, non ?
Lui dire que je m'inquiète pour lui, je pense en revanche que c'est trop tôt pour ça. Finalement ça ne m'avance pas plus que ça, mais je suis contente qu'elle s'implique autant pour pouvoir m'aider. Je vais tenter de continuer de suivre ses conseils. Je lui laisse une réponse :

Mia : Merci pour ce protocole si clair !! Je vais le suivre à la lettre. Et toi alors, comment ça se passe tes cours ? Ta vie ?

Je lui demande ENFIN comment elle va. Quelle abrutie.

Je ne me suis pas vraiment rendue compte jusque-là, mais je commence vraiment à fatiguer. J'ai besoin de repos. Je me couche alors sur lit, en position étoile, et ne tarde pas à m'endormir.

[...]

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Le lendemain.

Hier, j'ai essayé de faire mes devoirs, et devinez quoi ? J'ai échoué. Eh oui, je me suis pourtant mise en condition, pc sur table, feuilles de devoirs devant les yeux, mais je me suis rapidement retrouvée à faire autre chose. J'aimerais me reprendre en main, mais c'est pas si simple...
J'ai déjà une tête plus potable qu'hier, et je pense que ma sieste n'y est pas pour rien. Ça me met de meilleure humeur, même si, à vrai dire, ma nuit n'a pas été géniale. Je devais avoir pas mal de choses dans la tête, je me réveillais sans arrêt. Je suis peut-être perturbée par les devoirs que je n'ai pas pu faire, ou par... par... euh... autre chose. Concentration.

J'essaie de reprendre mes esprits et d'être un peu plus rationnelle. Les études c'est important. Il faut que je voie dans le long terme, que je prenne conscience que grâce à ces études, mes chances d'avoir un avenir correct deviennent plus certaines. Seulement, il faut que je reste concentrée. Concentration...

J'écris sagement mes cours pendant le premier quart d'heure en amphithéâtre, en étant la plus concentrée possible. Subitement, Mark resurgit dans mes pensées, sous forme de sentiments négatifs. Et s'il se moquait de moi ? Peut-être qu'en fait il s'en fiche de moi, et veut se débarrasser de moi. Peut-être que c'est pour ça qu'il ne m'a pas dit comment il allait réellement, et qu'il répondait strictement à mes questions. Il ne me fait pas confiance... Je me déteste pour penser à ça, mais malheureusement je le vois comme une possibilité. En plus de ça, je le vois après en travaux pratiques, ainsi que toute l'après-midi... jeudi, c'est la plus grosse journée de la semaine, je dois rester concentrée. On pensera à ça après. Sinon, je n'ai qu'à le tester, pour voir s'il veut se débarrasser de moi. Je vais manger seule ce midi.
Ha, je ressemble à une sadique, ou une folle en fait, une cinglée.

En fait c'est assez représentatif de ma personnalité, je n'aime pas du tout les relations où j'ai la sensation que je suis de trop, que la personne ne veut plus de moi, mais ne me le dit pas pour ne pas m'attrister. Ça a tendance à se voir, la personne en question s'éloigne en trouvant des excuses pour ne pas honorer nos rendez-vous, et dans les cas où elle n'a pas pu m'éviter, reste distante et brève. Oui j'ai déjà connu cette situation... trop de fois. Comme si c'était moi le problème. Je me suis déjà posé la question, si quelque chose ne va pas chez moi, ce que je peux faire pour y remédier, mais je ne vois vraiment pas. Je ne vais quand même pas me renier moi-même pour pouvoir correspondre aux attentes des autres, ce serait de la folie. De toute façon j'ai toujours cet apriori en rencontrant quelqu'un. Quand j'ai rencontré cette fille dont je ne connaitrai probablement jamais le nom le premier jour, je me suis dit immédiatement qu'au fur et à mesure, mon malaise la gênerait à son tour, et qu'elle voudrait partir, et c'est ce qu'elle a fait d'ailleurs. Depuis, elle traine avec ces filles qu'on a rencontrées à l'administration. Je crois que ça me vexe un peu.
Tout ça pour dire qu'il ne faut pas que ça arrive avec Mark. J'espère réellement qu'il ne me trouve pas ennuyante...

Le cours se finit, et je n'ai quasiment rien écouté. Et moi qui parlais de concentration... J'assure vraiment pas. Comment je vais faire pour rattraper tout ça ??... Tiens, j'aurais une petite idée... je n'aurai qu'à demander à Mark ?

Éclosion | Mark LeeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant