10 - Une lumière

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Après que Harold et Krokmou se soient envolés de Beurk, Jack est resté dans l'atelier. Il a pris le temps d'étudier chaque croquis, chaque création, chaque inspiration de Harold et il est venu un moment où, après avoir feuilleté divers livres qui avaient tous un lien plus ou moins direct avec ses inventions, il en a trouvé un qui différait des autres.

« Légendes de l'hiver »

Outre la sommité du titre, celui-ci l'a interpellé. Il en a feuilleté les pages. Peut-être est-il resté une heure avant de tomber sur la légende de Jokul Frosti, sa neige, son givre, ses deux saisons, sa taille d'elfe, ses tendances colériques, ses talents de dessinateur, son ascendance.

Honnêtement, ça ne lui a pas plu. Il s'est saisi d'un fusain et a rayé de nombreux mots. Jokul Frosti s'appelle Jack Frost. Il n'est pas responsable de la mort des feuilles en automne. Il est loin d'être un elfe, c'est un ancien humain, et non, il n'est pas colérique du tout. Ses parents sont humains et il est le Gardien de l'Amusement.

Après, Jack a relu ses notes avec un sourire satisfait. Il s'est levé, a vérifié par la fenêtre qu'Harold ne soit pas rentré, et il est sorti, le livre sous le bras. Il s'est envolé vers la maison de Loustik et a lancé l'ouvrage sur la fenêtre de sa chambre pour que le petit se décide à ouvrir.

Il l'a fait sans comprendre la manière dont ce livre volait. Jack lui a présenté la page pleine de gribouillages et il a fait neiger de doux petits flocons, comme il l'avait fait pour Jamie, à l'époque où celui-ci était encore un garçonnet. Loustik a mis un peu de temps à comprendre, plus que Jamie ; mais il a compris. Il a fini par voir l'Esprit, ce qu'il n'aurait jamais pu faire deux ou trois mois auparavant.

Jack et Loustik ont parlé et ont ri, se sont souvenus de batailles de boules de neige auxquelles Loustik avait défié Martha, et des bonshommes de neige qui n'avaient pas vraiment l'air de bonshommes de neige quand ils avaient voulu les faire. Jack a créé pour lui dix grands dragons en glace, qui n'ont pas duré dans la chaleur de la chambre mais qui ont eu le temps de vivre sous les yeux du petit garçon. Jack lui a dit qu'il avait quelque chose à lui faire découvrir, Loustik a répondu qu'il le suivait, mais qu'il devait rentrer d'ici une heure, « pour maman ». Jack lui a promis d'être à l'heure.

Il a lancé une boule à neige qu'il a empruntée à Nord avant-hier et s'est placé derrière le fauteuil roulant de Loustik pour le pousser vers l'entrée. Ils sont arrivés sur une île très belle que Loustik n'avait jamais vue.

Il faut dire que Loustik n'est jamais sorti de Beurk ; mais personne ne lui a parlé d'une île aussi belle que celle-ci. Il n'a vu aucun dessin, n'a lu aucune histoire relatant la splendeur de l'endroit. Les teintes de rose et d'orange pâle qui inondent les végétaux, cette perfection des feuilles qui reflètent le soleil et font de ce coucher-là le plus beau du monde, jamais il n'en a entendu parler.

Jack le promène un peu partout. Il s'amuse à ajouter un peu de givre où il en manque et les arbres deviennent encore plus beaux. Loustik est ébloui par toutes ces merveilles qu'en sept ans, il n'avait jamais vues.

Ils croisent quelques bébés dragons aussi, de temps en temps. Loustik reconnaît des Frappovents, quelques Krokpiqs, et même deux fantômes argentés. Certains montent sur ses genoux et il caresse leurs écailles, s'attarde davantage sur celles des fantômes argentés qui ne vivent pas sur Beurk. Ils croisent des adultes aussi, c'est paisible. Ce n'est pas comme ce qu'on raconte de l'Île des Dames ailées – ils ne sont pas sur l'Île des Dames ailées. Ils sont sur l'Île que les Beurkiens ne connaissent pas. Mais tout est loin de ce qu'il peut connaître : le paysage, les sons, les odeurs, les dragonnes. Elles ne sont pas agressives. Elles ne lui en veulent pas de câliner leurs petits.

Il y a même une femelle Spectre de Snoggletog qui s'approche de lui et lui souffle au visage son haleine fétide mais tendre. Elle le laisse poser la main sur son front rugueux, lui lèche même le visage.

Jack attend avec un peu de nostalgie un « tu sais bien que ça part pas au lavage », mais il n'en entend pas.

Un chef protège les siens - HIJACKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant