11 - Le retour

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Jack et Loustik n'ont pas croisé Harold sur l'île que le premier a découverte. En fait, Harold est rentré à Beurk quatre jours après l'avoir quitté : si Jack s'est servi des boules à neige de Nord pour s'y rendre, Harold n'avait pour lui que les ailes de Krokmou.

La femelle Spectre de Snoggletog a suivi l'Esprit et l'enfant quand ils sont partis de son île. Jack a pris le temps d'apprendre à Loustik comment voler sans se mettre en danger, comment diriger sans les jambes. Ils ont joué à la course volante pour rentrer, et ils se sont bien amusés.

Astrid et Valka ont pris la tête du village pendant l'escapade de Harold. Elles se sont occupées de tout, de la forge, des conseils, et surtout de la fête annuelle. Et puisqu'il est rentré pendant la nuit, personne d'autre que Jack ne l'a vu revenir.

Jack a assisté à beaucoup de choses, en trois-cents ans. Il a admiré des aurores boréales, des éclipses de Lune ou de Soleil, des scènes de famille humaines ou animales, il a vu des écureuils préparer leur réserve de nourriture pour l'hiver et il a assisté à des scènes qu'il était loin de pouvoir imaginer, même lui, Gardien de l'Amusement. Mais jamais il n'a vu quelque chose d'aussi beau que le visage de Harold quand celui-ci arrive dans son champ de vision.

Il semble transformé. Ses yeux ont retrouvé un éclat que Jack n'a jamais vu en eux. Il sourit vraiment, on voit même légèrement ses dents. Et, il ne sait pas. Il y a quelque chose d'autre qui se dégage de lui, quelque chose de lumineux, d'énergique que Jack n'a jamais senti chez lui avant. Quelque chose qui semble pouvoir expliquer la raison pour laquelle Harold a su le voir, malgré son âge. La source, le fond. Harold est un rêveur, c'est vrai. Il s'en rend compte maintenant qu'il le voit épanoui.

« C'était génial », affirme le viking quand il pousse la porte et l'aperçoit.

Jack rit, détourne les yeux et passe la main dans ses cheveux. « J'ai vu ç –... »

« C'était génial ! »

Jack s'apprête à lui signaler qu'il l'a déjà dit, mais Harold ne lui en laisse pas le temps. Il passe les bras sous ses aisselles, les colle à son dos et fait s'embrasser leurs deux torses. L'Esprit lâche brusquement ses mèches blanches mais ne sait pas où poser ses pauvres mains perdues, déjà qu'il a du mal à se faire à l'idée qu'un corps plus grand que lui le tienne.

« Tu es génial », répète Harold d'une voix plus basse, parce qu'il n'a plus besoin de s'exclamer. Le dire auprès de son oreille suffit, c'est pour eux qu'il dit ça. Pas pour le monde entier.

« ... La joie te va bien », lui répond Jack en décidant de poser à son tour ses bras contre son dos, de le tenir un peu. Il cale instinctivement sa tête dans son épaule, aussi. C'est agréable, les étreintes, même si ça lui fait peur. Et ça l'est encore plus quand ce n'est pas un enfant qui lui en offre. Disons que ça n'arrive pas souvent.

Ils restent un peu plus longtemps que prévu dans cette position. Ce qui ne devait être qu'un accès de joie se transforme en une fusion qui attend de se faire depuis très, trop, longtemps. Jamais ils n'ont été si proches. Jamais ils n'ont été si bien.

Un chef protège les siens - HIJACKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant