14

204 35 2
                                    

Comme l'avait prévu Lula, le reste de la journée avait été d'un mortel ennui. Ils avaient examiné en détail les procès-verbaux de police concernant le GDS, sans rien découvrir d'intéressant. La plupart des prétendues actions du groupe se bornaient à de minables actes de vandalisme – tags ou skycars brûlés. Un rapport de soixante pages étudiait en détail la communication des activistes sur le web, au travers des différents sites et blogs des membres de l'association Protection for Serenes, la vitrine légale du mouvement, reprenant le gros du discours, en se gardant juste d'appeler à la violence.

Si c'était le GDS qui avait tué et placé la bombe, rien n'avait transpiré – ou du moins, la police n'avait rien vu.

Le duo avait poursuivi son travail jusque tard dans la nuit. L'archiviste avait bien essayé de les mettre dehors à dix-sept heures, l'horaire de fermeture, mais l'inspecteur lui avait opposé son mandat de l'agence obligeant les autorités locales à se mettre à son service. La vieille femme bougonne avait fait la grimace et passé le reste de la soirée à maugréer.

Finalement, Denoël et son élève avaient quitté le siège de la police à vingt-trois heures trente.

De retour à l'hôtel, l'un comme l'autre ne désiraient qu'une chose : dormir. Ils se souhaitèrent bonne nuit rapidement et pénétrèrent dans leurs chambres respectives.

Sitôt à l'intérieur, Denoël constata que quelque chose n'allait pas. La pièce était sans dessus dessous, les tiroirs vidés à terre, sa valise éventrée et ses affaires éparpillées.

Un cambriolage.

Il glissa la main dans sa veste mais, avant même d'avoir pu décider s'il allait attraper son téléphone ou son arme, une violente décharge électrique le terrassa et il perdit connaissance.

La muraille noire impénétrable se fendit en son centre d'un rai lumineux horizontal qui s'élargit jusqu'à inonder son cerveau endolori. Ses yeux clignèrent, hésitant entre l'ouverture et la fermeture. Émerger de la torpeur était si difficile et douloureux qu'il songea un instant se laisser aller au sommeil qui l'appelait. Retourner au royaume des rêves, si doux, si tendre...

Mais le souvenir de l'agression et la soudaine conscience du danger lui donnèrent la poussée d'adrénaline nécessaire pour s'extraire de sa léthargie.

Une fois à peu près réveillé, il s'aperçut qu'il était attaché à une chaise, mains liées dans le dos. Une cordelette lui enserrait les poignets, une autre fixait ses jambes aux pieds du siège.

Il tenta de se délivrer, à l'aide des techniques apprises à l'école de police, en faisant glisser ses poignets l'un contre l'autre pour les passer sous la corde, en tirant dans tous les sens pour détendre les nœuds, en vidant l'air de sa poitrine dans le but de diminuer son volume et pouvoir se faufiler hors des liens. Rien n'y fit. Visiblement, il avait été ligoté par un pro. Ce qui n'annonçait rien d'encourageant pour la suite.

Il observa l'endroit où il se trouvait. Cela ressemblait à un vieil entrepôt ou une usine désaffectée. Des machines industrielles qu'il était incapable d'identifier rouillaient dans un coin, sous une épaisse couche de poussière sans âge. Des caisses vides s'entassaient à plusieurs endroits. Certaines fenêtres cassées avaient été rafistolées avec des bâches en plastique scotchées. La seule source de lumière était un projecteur sur pied comme ceux utilisés au cinéma.

— Il y a quelqu'un ? balbutia-t-il avec difficulté.

— Monsieur Denoël, vous voilà enfin réveillé.

Un homme s'approcha de lui et il fut saisi d'effroi en le voyant.

Pris par surprise alors qu'il n'avait pas encore tout à fait émergé des brumes du sommeil, il crut durant une seconde se trouver face à un démon. Puis, il se ressaisit et son cerveau revint à une explication plus rationnelle.

SÉRÉNA - WATTY AWARD 2019 WINNEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant