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Paris, France, automne 2176.

Denoël se resservit un verre de téquila et rangea la bouteille. Il ne voulait pas paraître saoul devant Lucas.

La fin de son séjour sur Séréna s'était passée simplement : Lavoie l'avait ramené à son hôtel où il avait fait un brin de toilette et avait patienté quelques heures avant de gagner l'astroport. Personne n'était au courant ni de son escapade à serena therapeutics ni du vol de l'ordinateur de Di Benedetto. Quant à « John » et « James », la CIA avait dû faire le nécessaire pour récupérer leurs corps.

Il avait donc regagné la Terre comme si de rien n'était et commencé sa carrière d'agent infiltré.

Ce que voulaient les sérènes était très simple, en effet. Ils souhaitaient en apprendre le plus possible sur les institutions terrestres et le fonctionnement de la planète pour en prendre facilement le contrôle après l'Éveil. Denoël devait de temps en temps fournir des informations classifiées sur des affaires en cours. Il ignorait pourquoi et les extraterrestres refusaient de lui donner la moindre explication. Ils avaient leurs raisons, voilà tout.

Mais qu'importe. Il connaissait leur objectif et ça le rendait fou. Il avait commencé à boire pour calmer la tension qui l'habitait.

Une fois, il avait tenté de révéler ce qu'il savait. Il avait débuté la rédaction d'un mail destiné aux journalistes, où il racontait toute l'histoire. Mais, à peine les premières phrases écrites, il s'était senti partir, victime d'une sensation affreuse de chute dans le vide avec la certitude de la mort au bout. Pendant un instant, il avait expérimenté la plus infâme des angoisses.

« Ne faites pas ça », avait dit la voix avant de desserrer son étreinte.

Il avait essayé de se lever mais ses jambes tremblaient tant qu'il était tombé. Il lui avait fallu de longues minutes avant de recouvrer son calme.

« La prochaine fois, ce sera au tour de Lucas. »

Il n'y avait pas eu de prochaine fois.

Dehors, la pluie n'avait pas faibli.

Aux pieds de l'immeuble, dans les vieilles rues de Paris, les gens allaient et venaient, s'agitaient, ignorant qu'ils couraient à leur perte – du moins, plus vite qu'ils ne pensaient.

Cinquante ans avant la fin du monde. C'était peu, ça passerait en un éclair.

En attendant, que faire ? Pas grand-chose. Boire pour oublier. Travailler pour ne pas penser. Et vivre du mieux possible, si c'était encore possible.

Une voix lui parvint de la pièce d'à-côté :

— Papa ?

Il alla dans le salon.

— Oui, Lucas ?

— Papa, tu veux regarder la télé avec moi ?

— Bien sûr.

Il s'assit en tailleur à côté de son fils et ils regardèrent les dessins animés.


FIN

SÉRÉNA - WATTY AWARD 2019 WINNEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant