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— Axel ?

Une voix agréable murmure à son oreille.

— Axel ?

Un accent chantant venu d'un pays chaud.

C'est son élève, la délicieuse Lula, la jolie jeune femme sexy en diable qui l'accompagne dans ses périples et lui offre sa couche avec insistance. Parfois, il se dit qu'il devrait se laisser tenter.

Elle est là, devant lui, vêtue d'une légère nuisette de tulle diaphane ne masquant rien de sa nudité. Elle susurre son prénom avec sensualité et lui fait signe de s'approcher.

Il accepte de la suivre...

Elle l'allonge sur un lit, entre des draps de soie mauve, mais, alors qu'il s'attend à connaitre les délices de la chair, elle glisse sa main sous l'oreiller et en sort un poignard qu'elle lui plante dans le cœur...

Il hurle de douleur, renverse sa tête en arrière, puis la relève pour voir ce qui se passe.

Ayant repris conscience, il constate qu'il n'est pas du tout dans le lit de son assistante mais dans une chambre d'hôpital. Un homme en blouse, calot sur le crâne et masque chirurgical sur le visage, vient de lui planter une seringue dans la poitrine. Il la retire ; l'aiguille semble longue d'un kilomètre. Il dit :

— C'est bon, il est réveillé.

Une équipe s'affaire autour de lui ; peut-être des dizaines de personnes. Tout est embrouillé.

Sa poitrine n'est que souffrance. Une affreuse brûlure irradie à chaque respiration. La saveur sanguinolente a de nouveau envahi sa bouche. L'arrière de son crâne le lance douloureusement. Il tente de bouger mais un craquement ignoble dans sa tête l'en dissuade. Il a l'impression que s'il remue, son occiput s'ouvrira et laissera échapper son cerveau.

Le médecin – ce doit en être un – lui parle. Il l'entend à peine du fond de sa torpeur, mais comprend quand même.

— Restez avec moi. J'ai besoin que vous soyez éveillé pour le transfert énergétique.

Il voit deux infirmières venir placer un brancard à ses côtés, sur lequel se trouve un sérène attaché et muselé. L'animal, hébété, fait rouler sa tête de gauche à droite.

Le docteur s'approche, plaque une main sur la poitrine de la bête et, de l'autre, lui enfonce un couteau de boucher dans le flanc. L'extraterrestre se met à hurler. Malgré la muselière, son cri puissant retentit dans la pièce.

Denoël a l'impression de ressentir la douleur de la pauvre créature. Il ferme les yeux et serre les dents, mais l'homme en blouse lui claque la joue.

— Restez avec moi ! lui ordonne-t-il à nouveau.

Il ouvre les paupières.

Le docteur attrape les bords de l'entaille qu'il a creusée et tire pour les écarter. Dans un bruit d'os brisés et de chairs déchirées, la bête, toujours vivante, est littéralement ouverte en deux et ses entrailles dévoilées.

Les hurlements redoublent. L'animal s'agite en vain, incapable de bouger d'un millimètre tant ses entraves sont serrées. Seule sa tête bat avec force, à tel point qu'il semble qu'elle va finir par se décrocher et rouler au sol.

Dans le thorax ouvert comme un coffre au trésor, un organe pulse lentement, irradiant une intense lumière bleue au travers de sa peau fine.

La glande orgonique.

L'homme en blouse prend la main de l'inspecteur et la pose contre l'organe aux propriétés merveilleuses. Une étrange sensation envahit Denoël. Alors que les cris de l'animal gagnent en intensité jusqu'à en devenir hypnotiques, il se sent soudain enhardi. La brume visuelle et auditive se dissipe. La brûlure dans sa poitrine s'estompe et son crâne cesse de lui faire mal. Il se sent de mieux en mieux. En fait, il se sent parfaitement bien et, alors qu'il soupire de soulagement en fermant les yeux pour mieux jouir de la fin de la douleur, le sérène se tait d'un coup.

Il tourne la tête vers lui. L'extraterrestre gît, les yeux exorbités et fixes dirigés vers le plafond ; mort.

SÉRÉNA - WATTY AWARD 2019 WINNEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant