7_Voir la réalité

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Le masque de fer implacable était toujours sur son visage, comme à son habitude. Rien de différent ou d'étrange ne dénotait dans son apparence et pourtant, Severus Rogue sentait ses traits se crisper à mesure que les minutes s'écoulaient. Comment se faisait-il qu'il ne fut pas informé plus tôt de cette découverte ?! Un flot incontrôlable de questions était apparu dans son esprit, se bousculant les unes après les autres à l'instant même où il avait su. Cependant il allait devoir attendre de transplaner jusqu'au château et encore attendre de retrouver ses appartements s'il voulait se laisser aller à la surprise et l'accablement, ce qui nécessitait aussi de passer par la case "faire un rapport à Dumbledore" s'il voulait être tranquille... Dumbledore d'ailleurs ! Qu'allait-il bien lui dire ? Même, que pouvait-il lui dire au juste ? La question ne se serait bien évidemment pas posé en temps normal mais après la découverte qu'il venait de faire... Non, mieux valait tout taire à propos de cette histoire tant qu'il n'était pas sûr qu'on lui disait vrai, une vie était en jeu, il n'était pas capable de la risquer.

Il ne s'attarda pas vraiment au près du Lord une fois la réunion macabre finie, pas plus qu'il ne s'éternisa à raconter au directeur ce qu'il y avait entendu. Dumbledore tenta tout de même de le sonder de ses yeux bleus mais en vain. Il avait beau être un redoutable légilimens, il ne surpassait pas Severus, d'autant plus qu'il était résolu à ne rien laisser filtrer de cette histoire.

- Y-a-t-il quelque chose dont vous voudriez me parler, mon ami ? demanda malgré tout le vieil homme en passant la main de sa barbe blanche pour la énième fois de la soirée.

- Non, rien Albus, répondit poliment Rogue en grinçant des dents. Merlin, que ce geste pouvait l'agacer !

Il ne se fit pas prier plus longtemps et prit congé du directeur. Avec une précipitation qui ne lui ressemblait guère, il entra dans son logement, se dirigeant dans la pièce froide à l'agencement spartiate d'une démarche sûre en dépit de l'obscurité dans laquelle il se trouvait. Severus s'arrêta à peine devant l'armoire foncée qui siégeait dans son salon et en ouvrit les portes à la volé pour fouiller l'intérieur, sentant son rythme cardiaque augmenter presque imperceptiblement. Il en sortit une boite, assez petite, le temps l'avait quelque peu élimée et inspira profondément. Il allait une fois de plus se plonger dans ce passé douloureux et s'infliger ainsi une blessure mortelle à son coeur. Il n'aimait pas vraiment avoir à le faire, ses pensées, sa culpabilité et même sa tristesse quotidienne lui suffisait : Severus évitait soigneusement autant qu'il le pouvait de se mesurer à son passé directement. Il était déjà aigri par la vie alors qu'il n'avait que trente-cinq ans, il ne voulait plus en rajouter encore à son désespoir.

Mais, cette nuit, ignorant toute l'horreur que lui rappelait cette simple boite, un soupçon d'espoir le gagnait. Un sentiment qu'il n'avait pas ressentit depuis si longtemps qu'au début, il crut même ne pas l'avoir reconnu. Précautionneusement, il ouvrit cette maudite boite et en sortit finalement une série de clichées datant de ce qui semblait être des siècles pour Severus, venant presque d'une vie parallèle, morcelée et surtout...révolue. La première, la plus amère, montrait une jeune fille rousse d'une dizaine d'années fêtant son anniversaire sur laquelle il s'attarda qu'à peine, les suivantes le représentaient lui-même enfant ou en compagnie de quelques rares connaissances qu'il avait apprécié. Ses amis, tous aujourd'hui disparus. Sans exception.

Enfin, il trouva les deux photographies qu'il recherchait. Sur l'une, il observa une version de lui plus jeune tenant dans ses bras un nourrisson de quelques jours à peine, entièrement vêtue de blanc, comme si la mère avait souhaité lui donner l'allure d'un angelot. Sur l'autre, plus récente, le portrait d'une famille en apparence unie. Le père, aristocrate, grand et fier se tenait derrière son épouse dont les traits étaient—comme dans ses souvenirs—tirés par une anxiété qu'elle cherchait à dissimulée à tout prix par un simple sourire. Elle avait peine à retenir sur ses genoux une fillette souriante et un peu turbulente d'à peine deux ans, arborant une chevelure déjà aussi bouclée que celle de son père et les mêmes yeux bruns que sa mère.

Hominum revelioOù les histoires vivent. Découvrez maintenant