20_Fragmentée

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La porte claqua violemment. Elle respirait bruyamment. L'air la brûlait, l'empoisonnait. Les images s'entrelaçaient sans avoir le moindre sens alors qu'elle le sentait plus qu'elle ne le voyait s'éloigner au loin dans le ciel. Il l'avait fait. Il lui avait arraché le cœur. Elle ne contrôlait plus rien. Ni sa vie, ni ses émotions. Elle explosait à nouveau. Elle était hors contrôle.

Il était là un instant, à chaque coin du château puis dans les airs, lui lançant un clin d'œil affirmant à tous qu'elle était certainement l'élève la plus formidable de ce château, lui criant son amour dans un mémorable final, leur ultime farce à lui et George.

Pour la première fois, elle était en colère contre lui. Maintenant elle voulait crier. Elle suffoquait de colère. Ou de chagrin. Elle ne savait plus. En à peine une dizaine de secondes, c'était sa vie qui était partie en l'air avec lui, foutue pour la seconde fois. Elle y avait pourtant cru, elle pensait l'avoir convaincu, avoir utilisé les bons mots sans les employer directement. Elle pensait qu'il serait resté. Il avait choisi seul, elle n'avait rien fait pour l'en empêcher. Elle aurait dû. Maintenant c'était elle, la farce de toute cette histoire. La pauvre fille, laissée pour compte, abandonnée, oubliée, moquée. Pauvre fille délaissée dont personne ne se souciait. Pauvre fille naïve qui pensait que l'amour retiendrait vraiment le garçon qu'elle aimait. Qu'était-elle face à son rêve, son plus grand rêve ? Rien. Elle n'était rien. Un obstacle, un obstacle surmontable que Fred avait déjà surmonté.

Elle s'adossa à la porte, prête à crier, à hurler sa rage au monde. Elle débordait de rage. C'était tout ce qu'elle pouvait ressentir maintenant, elle en était certaine. La rage, c'était pour ça que son petit cœur morcelé battait encore faiblement. Le traite, il ne pouvait pas s'arrêter et la laisser une bonne fois pour toutes. Il la gardait en vie pour la torturer.

La goût amer de la fin. Jamais elle ne pourrait un jour respirer à nouveau. Elle allait mourir ici, d'asphyxie, étouffée de rage et de douleur, ou rester en apnée jusqu'à la fin des temps ici, dans les cachots, à attendre. Et personne ne viendrait l'y retrouver. Personne ne viendrait la sauver. Non, dans les contes, les princesses se trouvaient en haut, enfermées dans des tours ou cages dorées. Elles ne mourraient pas d'amour dans le bureau d'un de leurs professeurs en espérant cauchemarder et que bientôt, elles se réveilleraient.

Et le pire des châtiments que pouvaient subir les princesses de contes de fées, qu'elles le veuillent ou non, c'était que l'histoire ne pouvait s'arrêter avant la fin, éternellement condamnées à garder la tête haute pour continuer à encaisser les chocs de la vie. Le choix n'existait pas vraiment pour les princesses. Hermione n'était pas une princesse, mais aujourd'hui elle devait agir comme telle.

—•—

Severus fit un bond dans son fauteuil et grommela en relevant les yeux, en colère. On ne le dérangeait pas de la sorte. Pas après la journée qu'il avait passée. Un regard meurtrier s'abattit sur l'intruse, l'une des élèves les plus irritables qu'il ait eu, et la liste était longue pourtant. Quel jour était-il ? Granger avait cour particulier aujourd'hui ? A une heure si avancée ? Qu'importe ! L'horripilante élève n'avait pas à s'inviter dans son cachot ainsi, sans s'annoncer... C'était un véritable manque de respect qu'il ne pouvait tolérer et pourtant tolérant il l'était ! Surtout avec elle... Rien ne l'avait obligé à accepter à lui donner ses leçons d'occlumantie, il l'avait prise en pitié, voilà tout. Cela ne voulait certainement pas dire qu'il appréciait l'étudiante, ou se souciait d'elle, de sa santé. A vrai dire, il aurait espérait en avoir déjà terminé avec elle, pour la meilleure élève de la promotion, son apprentissage était plutôt lent... Elle l'agaçait, il voulait s'en débarrasser le plus rapidement possible. C'était certain.

Ou pas...

Il avait bien entendu cette rumeur—saugrenue—qui courait dans les dortoirs de Serpentard, comme quoi l'enfant qu'il recherchait se trouvait parmi les élèves de Gryffondor. Nott et Zabini pensaient même qu'il s'agissait de Granger, mais lui, il refusait d'y croire. Impossible. C'était la seule pensée cohérente qu'on pouvait formuler face à cette farce. Elle ne leur ressemblait même pas ! Elle aurait pu mais ce n'était pas assez flagrant pour qu'aucun doute ne soit permis. Néanmoins, être espion lui avait appris à être prudent et Severus avait décidé de garder un œil sur elle, dans le doute, aussi invraisemblable pouvait-il être. S'il devait bien jouer les nounous pour Potter, s'assurer que Granger ne fugue pas était une promenade de santé en comparaison, et les deux faisaient souvent la paire, les choses étaient plus aisées ainsi et lui laissait le temps de rechercher sa véritable protégée en toute tranquillité. Mais qu'il décide de la surveiller ne donnait en aucun cas le droit à Granger de se présenter ainsi devant lui. Et il n'était guère d'humeur à écouter les peines et tourments de son élève.

Hominum revelioOù les histoires vivent. Découvrez maintenant