(Linkin Park - Castle of glass)
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Lundi 4 décembre
01h18.
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Sauve-moi, je m'efface.
Comment l'a-t-elle dit ?
« Levez-vous Kulilaahn, vos conseillers vous demandent. »
Quelle blague. Quelle mascarade. Le toupet et le culot de Wïane m'ont laissé sans voix lorsqu'elle est venue cracher ses mensonges contre ma porte ce matin. Cinq jours d'isolement, et soudain, c'est moi qui suis attendu ? Cinq jours enfermé, et c'est moi qui me cache ? Je comprends mieux ce qu'elle prépare. Elle prévoit de convaincre la Cour que je me suis retranché de mon plein gré dans mes appartements tout ce temps alors que c'était elle, elle et personne d'autre qui verrouillait ma serrure et demandait aux gardes de veiller à ce que rien ne sorte. Quelle blague. Elle fait de moi un éploré incapable de régner. Elle peint déjà mon portrait avec une craie brûlée. Quelle mascarade. Je suis déjà dans ses filets et je ne suis même pas encore roi. Qu'est-ce que cela sera lorsque j'aurai pris la place de l'Hydre ? Pourra-t-elle dicter mes pas, prévoir mes pensées, orchestrer ma moindre parole ? Va-t-elle tout me prendre ? Vais-je perdre ma voix, mon libre arbitre, mes droits ? Pourra-t-elle me voler mes mots ? Suis-je vraiment condamné à lui être subordonné ? N'y-a-t-il pas pour moi un autre destin à dessiner que celui de la marionnette désarticulée ? Qu'est-ce que je vais faire ? Qu'est-ce que je peux faire ?
J'étais attendu dans la salle du conseil pour dix heures trente. À huit heures sonnantes, lorsque le verrou s'est ouvert, j'ai poussé la porte et fuit mes quartiers. Je suis parti en courant. Je crois que j'ai tenté de m'échapper. J'ai couru, couru, dévalé les escaliers de marbre, couru jusqu'à me retrouver dans le hall d'entrée. Les grandes portes de fer étaient ouvertes, alors je me suis arrêté. L'immensité des possibles m'a coupé net. J'ai fixé, à bout de souffle, les crocs des serpents de métal qui me dévisageaient et semblaient me défier d'oser mettre un pied hors du château. Voilà que je me mets à créer mes propres sentinelles.
Un bataillon de soldats rentrait de mission. Il m'a dévisagé comme si j'avais définitivement perdu raison. Peut-être est-ce le cas. Peut-être l'isolement et le chagrin m'ont-ils définitivement rendu fou. Mes certitudes s'effritent et je ne suis plus sûr que d'une chose : le sens de ce monde m'échappe. Le sens de mon existence m'échappe. Je suis en revanche cruellement conscient que ces hommes qui pouffaient de voir leur prince essoufflé, déboussolé, ridicule dans sa chemise froissée, n'accepteront jamais de le considérer comme chef de leur armée. Je ne pourrais jamais gagner leur adhésion et encore moins leur respect. Je serai le pire roi de ma lignée. L'idée me donne curieusement envie de m'y résigner.
La générale Aodh m'a plus ou moins sauvé la mise. Elle a offert à ses hommes une excuse toute trouvée pour justifier ma négligence et m'a entraîné loin du grand hall. Sa main contre mes omoplates était chaude. Peut-être devrais-je lui dire à l'avenir qu'un tel geste ne sera plus acceptable lorsque je serai roi. Mais j'ai toujours ressenti pour elle une sorte d'affection réservée. Elle est de ces rares membres de la Cour qui osent parfois s'opposer à Wïane ou Kaën. De ceux qui plient le joug avec le sourire et se satisfont de parvenir à manœuvrer dans les chaînes. Peut-être un jour pourrais-je la pousser à affirmer davantage ses certitudes. C'est une bonne générale. Elle pense souvent notre armée comme un grand corps, un ensemble où chaque organe est indispensable. Elle a été formée à la guerre mais elle pense à ses hommes avant de penser à ses armes. J'aimerais pouvoir la convaincre de me prêter sa confiance, à moi plus qu'aux traditions militaires. Je crains que face à une situation de conflit, elle ne se tourne vers l'égide de Wïane, parce qu'il est facile de suivre ses flammes et de se plier à son autorité. J'ignore comment je pourrais lui dire que questionner Wïane ne questionne pas sa loyauté envers l'Armée. La vérité sans détour m'est interdite. C'est compliqué d'évoluer dans les rainures de l'acceptable, du bienséant, du convenable.
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Le Journal du Roi
General FictionIl y a un monstre derrière mes fenêtres. Il tambourine contre les carreaux depuis des heures, il grogne et gronde si fort que le verre vibre et tremble. Il ne se fatigue jamais. Hier, il a rugi tout l'après-midi. Ce matin, il a craché son venin sur...