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Jeudi 14 décembre
16h09.
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Mon cœur n'est pas mort.
Mon cœur est en vie.
Mon cœur est brisé mais mon cœur n'est pas mort.
Je l'ai appris aujourd'hui.
Je le sens battre en moi, je le sens sous mes doigts. Je le sens, au loin.
À la tombée de la nuit, je suis monté sur les toits. Je n'avais plus osé faire ça depuis que le monstre est venu cracher son tonnerre et sa misère sur les tuiles. J'avais oublié à quel point la vue était à couper le souffle et à quel point il faisait froid. L'hiver recouvre la ville. Ma ville. Mon royaume.
Je crains les possessifs. Je ne veux pas m'approprier les richesses qui brillent sous mes yeux, les faire disparaître sous mes capes comme a pu le faire mon grand-père. Je voudrais des possessifs exhibés, qui marquent la loyauté plutôt que l'appartenance. Ou une appartenance inversée. Après tout, c'est le royaume qui me possède, pas moi qui possède le royaume. C'est la ville qui me contient et pas mon pouvoir qui contient la ville. Ce sont leurs lois qui me feront roi, pas mon choix.
Je crains les possessifs avec toi aussi, mon cœur.
Pourtant, le lien de toi à moi est essentiel, intrinsèque. Il transcende toutes mes notions de réciprocité ou de loyauté. Le lien de toi à moi, c'est une affaire d'identité. Il y a le monde, ses êtres, ses dynamiques, ses rois, toi et moi. C'est horizontal, pas vertical. Jamais vertical. La seule chose verticale est ma voix qui cherche à t'atteindre parmi les étoiles.
Tu m'entends, mon cœur ?
Ton nom me fuit. Il est trop lourd pour mes lèvres, pour mes doigts, pour cette plume maladroite que je ne devrais pas manier. Je parle de toi à travers miroirs et nobles siamois, à travers les codes d'autrefois. Je parle de toi par images, par reflets. Je crains que ton nom ne disparaisse avec toi si je le prononce. Je te tais dans l'espoir de te protéger. Après tout, qui sait qui pourrait tomber sur ce carnet si je n'étais plus là pour le garder. Peut-être que j'entretiens l'espoir de te sauver.
Finalement, tu vois, je me sers moi aussi de ces voiles que je hais.
Je suis déjà comme l'Hydre, mon cœur.
Je mens. Je prétends. Je cache. Je dissimule. Je code.
Il fait froid. Il y a de la neige jusque dans mes veines. Parfois je rêve de pouvoir étendre mes flammes à la glace qui sillonne mes os. Cela serait si simple, de pouvoir faire glisser le chagrin hors de moi, de pouvoir réchauffer le royaume aussi simplement que cela.
Dis-moi, mon cœur, que penserais-tu de moi ?
Ferais-je un bon roi ?
Serai-je un bon roi ?
Qu'est-ce qu'un bon roi ?
Mon cœur, si je deviens Hydre, promets-moi de venir me chercher. Promets-moi de venir me tuer.
Mes doigts tremblent contre les pages. Il fait si sombre que l'encre se mêle aux lignes du carnet. J'aime t'écrire. J'ai l'impression que tu es là, avec moi, camouflé sous les étoiles. C'est l'abri le plus doux et le plus puissant du monde. Sous le manteau de l'univers, plus rien ne peut nous séparer, pas même le temps, la douleur ou les rivalités. La chaleur de ses astres ne pourra jamais nous quitter. J'ai cru que tu étais mort, mon cœur. J'ai eu si peur.
Regardes-tu les étoiles, toi aussi, dans ce monde caché ?
Elles s'éteignent. Le ciel se couvre.
Il va neiger de nouveau, mon cœur.
Je t'attendrai.
Je t'écouterai.
Je te chercherai.
Je te trouverai.
Nul ne saura que nos feux t'éclairent encore.
Nul ne saura que mon cœur te chante encore.
Nul ne saura que cette nuit-là, lorsque le monstre est venu, ce n'est pas vraiment mon cœur qu'il a pris.
C'est toi.
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Le Journal du Roi
Tiểu Thuyết ChungIl y a un monstre derrière mes fenêtres. Il tambourine contre les carreaux depuis des heures, il grogne et gronde si fort que le verre vibre et tremble. Il ne se fatigue jamais. Hier, il a rugi tout l'après-midi. Ce matin, il a craché son venin sur...