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Dimanche 17 décembre
12h00.
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J'ai décidé d'accepter la proposition de l'élémentaire jongleur de feu. Il sera convié aux banquets de la Cour toutes les semaines à partir de demain. J'ai hâte de voir ce qu'il nous réserve, hâte de voir s'il parvient à distraire les nobles autant que je l'espère. Wïane n'a pas autant protesté que je le pensais. Elle a haussé un sourcil, celui qu'elle ne peut retenir de hisser haut sur son front quand elle pense que son entourage se montre particulièrement obtus ou stupide. Je pensais avoir droit à une séance complète de remontrances, pas à ce silence. J'étais intrigué. Très intrigué. Si intrigué que je l'ai conviée à l'assemblée que je tenais en fin de matinée avec quelques membres de la Cour triés sur le volet. Siànan est parvenu à convaincre nos trois archivistes de sortir de leur terrier le temps d'un conseil et j'étais résolu à leur donner une raison de m'écouter.
Nous avons parlé d'arts, d'histoire, de culture et de divertissements pendant trois longues heures. Les gratte-papier ont passé les dix premières minutes à grommeler dans leurs plumes et les deux heures suivantes à soumettre pléthore d'idées. Je leur ai parlé de mon projet d'instaurer de grands jeux pour réunir le royaume toutes les années, des épreuves de force, de courage, d'esprit et d'habilité. Ils semblaient agréablement étonnés. Pensaient-ils être convoqués pour entendre parler de mes futurs projets de conquête, de domination, d'incendies. Ils ne s'attendaient clairement pas à ce que les auteurs de notre littérature figurent sur ma table et que je sois capable de les citer au mot près. Si je dois bien une chose à Fuxan, c'est l'exigence de son éducation. À côté des lames de Kaën, les livres étaient doux et je transformais les longues heures d'enfermement dans les bibliothèques en de véritables voyages. La moindre erreur de récitation pouvait me coûter cher. Siànan m'aidait à apprendre. Nous avons passé des journées entières à mémoriser quelques paragraphes, à en décortiquer le sens pour en retenir l'ordre. J'ignorais que cela pourrait permettre un jour d'impressionner des archivistes. J'ai surpris le sourire de Siànan qui nous servait du vin et n'ai pu empêcher mon cœur de sursauter. J'espère qu'il ne comprendra jamais l'effet que ses sourires ont sur moi, ou je risque de ne plus pouvoir jeter un regard vers lui en réunion à l'avenir.
Wïane a tenu le choc pendant une heure avant de déclarer que cette assemblée était un « brassage de futilités » et de quitter la salle. Elle considère que les arts ne sont pas l'apanage des rois, que la culture n'apportera jamais au royaume la gloire militaire qu'elle rêve pour lui. Je jubilais intérieurement. Ses paroles ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Elle ne contrôlera pas mes directives dans ce domaine et je compte en profiter. Je serais ravi d'être un roi connu pour ses arts, d'être le roi-mécène, le roi-spectateur, le roi-lecteur, le roi-conteur.
Parmi les trois archivistes, le plus jeune d'entre eux a fini par avouer, du bout des lèvres et après trois heures de relatif silence, qu'il peignait à ses heures perdues et serai ravi de mettre ses talents à mon service. Il n'est pas le peintre de la Cour et s'attendait clairement à un refus. L'homme que mon grand-père a désigné comme notre peintre officiel est aujourd'hui une vieille taupe qui n'est plus sortie de ses quartiers depuis quinze ans et préfère consacrer son temps à tourmenter les serviteurs. Je serai ravi de le remplacer par un esprit jeune et aventureux. J'ai demandé à l'archiviste de me présenter quelques-unes de ses toiles mardi prochain. Je veux me faire une idée de son pinceau avant d'accepter quoi que ce soit.
Je suis sorti de cette réunion avec de l'optimisme plein le cœur et des idées éparpillées sur des dizaines de parchemins. J'ignorais que la couronne pourrait m'aider à entretenir cet amour que j'ai toujours eu pour la littérature, les arts et la culture.
Siànan m'a rejoint dans mes quartiers lorsque le jour est tombé. Il est en train de prendre l'habitude de me consacrer ses soirées. Je chéris ces moments volés de toute mon âme. Cette proximité devra s'effacer lorsque je serai couronné. Je veux en profiter tant que je le peux. Je veux graver dans ma mémoire cette félicité que je ressens à ses côtés, ce lien que je peux presque toucher lorsqu'il s'assoit près de la cheminée. Ses mots me donnent envie de vivre. J'aime discuter avec lui, imaginer le monde au coin du feu, rêver toutes ces folies que je ne peux confier qu'à lui. Parfois, les mots ne nous viennent pas. Tant pis. Avec Siànan, le silence aussi est un ami.
Il y a un monde nouveau. Sans l'Hydre s'ouvrent des possibles. Wïane ne se laissera pas tuer. Qu'importe, je pourrai la dompter. Avec Siànan à mes côtés, l'impossible est à ma portée.
Ce soir-là, il s'est assis à même le sol, sur l'épais tapis qui recouvre mon plancher, face à la cheminée. Il dit qu'il voit un paysage dans le brasier. J'ai terminé de préparer la semaine à venir, classé des papiers, mouché la bougie de mon bureau d'un mouvement de main et l'ai rejoint. Je suis venu contempler cet étrange panorama brûlant avec lui. Il souriait. J'avais envie de m'enfouir contre ce sourire.
Je me suis contenté de saisir sa main.
Ses doigts contre les miens me semblent être le juste ordre du monde.
Je rêve de pouvoir ne jamais être couronné, de pouvoir garder Siànan au chaud si près de moi.
Il s'est tourné vers moi. Il y avait des mots sur ses lèvres. Un aveu qui poussait pour sortir. Pour la première fois de ma vie, j'ai su que Siànan aurait toujours de nouvelles choses à me dire. Des milliards de mots à prononcer, des millions d'idées à énoncer, des centaines de secrets à me révéler. Je l'ai senti si proche de laisser éclater entre nous la vérité. Il n'a pas osé. Ce soir n'était peut-être pas le bon soir. Qu'importe. Je serai là pour lui donner la possibilité de parler tous les autres soirs de sa vie.
Peut-être un jour serais-je moi-même capable de prononcer les mots qui ébranlent mon être lorsqu'il me sourit. Peut-être, ce jour-là, serais-je libre d'être son ami.
Nous avons discuté jusqu'à ce que la dernière braise s'éteigne. La nuit enveloppait le château depuis de longues heures. Le temps est apaisant lorsqu'il est avec moi. En se levant, il a rallumé la bougie de mon bureau et m'a tendu le carnet. Il n'a pas demandé à le lire. Il se contente d'être heureux de me savoir écrire.
Sait-il qu'il est mon encre, ce soir encore ?
Il est parti en oubliant derrière-lui sa veste de lin gris. Il sait que je la chéris au moins autant que lui. Je l'ai pliée au pied de mon lit. Je la garderai avec soin jusqu'à demain soir.
J'ai souri aux portes closes. Comme toujours, il a emporté un bout de moi avec lui.
Je le lui confie.
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Le Journal du Roi
Fiksi UmumIl y a un monstre derrière mes fenêtres. Il tambourine contre les carreaux depuis des heures, il grogne et gronde si fort que le verre vibre et tremble. Il ne se fatigue jamais. Hier, il a rugi tout l'après-midi. Ce matin, il a craché son venin sur...