Chapitre 21.

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« Mais où vas-tu Mélusine, bon sang ?

Je me stoppe en plein milieu du pont et fais face au dieu des mers.

- Je ne comprends pas. Je ne comprends vraiment pas. Toutes ces sirènes mortes, cette enquête qui n'avance pas d'un iota, votre insistance auprès de moi... Vous n'agissez pas comment vous devriez agir et ce depuis le début. Et c'est impossible pour moi de comprendre pourquoi !

- Et tu as vraiment besoins de le savoir ?

Il se place face à moi et croise ses bras. Son expression n'est pas agacée, ni même moqueuse. Non, elle est amusée. Positivement amusée. Je ne l'avais jamais vu sourire ainsi. Je fronce des sourcils et réplique :

- Vous m'avez embrassé voilà quelques jours dans cette boîte de nuit sans explication.

- Tu aurais aimé plus, Lorelei ?

- Vous pouvez rêver.

Malgré tout, un petit sourire naît sur mes lèvres. Nous sommes si proche l'un de l'autre que son souffle marin échoue sur mon front.

- Je n'attends que vos explications. Que de savoir ce qui vous pousse à me garder en vie. Et pourquoi le fait qu'Orphée ait trouvé que la piste des créatures s'en prenant aux sirènes nous mène droit en Autriche vous inquiète autant.

Les bruits du Danube sous le pont se font plus violent. Le dieu est donc agacé, peut être même énervé... Son masque impassible habituel dissimule ses sentiments mais les remous aquatiques qui en découlent sont révélateurs. Seulement, à ma grande surprise, il finit par répondre :

- Ce qui m'inquiète c'est qu'une créature des moins recommandables a trouvé refuge en Autriche il y a quelques centaines d'années et qu'il est tout à fait plausible qu'elle soit derrière ces attaques, bien que j'aie du mal à le croire.

- De qui... »

Je m'interrompt soudain. Mon regard se porte derrière le dieu, à l'une des extrémités du pont. Sortant de l'ombre, avançant d'une démarche assurée et sensuelle, une femme à la beauté époustouflante, divine, approche, avançant sur l'édifice enjambant le fleuve. À chacun de ses pas, des ombres gigantesques se projettent contre les murs et une angoisse sourde, étrange, croit en moi. Les cris des mouettes se joignent à mon instinct. Danger. La magnifique créature empeste le mal et la sournoiserie.

Et soudain je la reconnais. Il s'agit de la femme de mes rêves chaotiques... Poséidon se retourne, me dépasse alors et se fige en l'apercevant. Il grogne quelque chose à voix basse ressemblant fortement à un :

« Quand on parle du loup... »

La femme sourit alors et son visage si harmonieux aux yeux d'un noir profond s'éclaire sournoisement. Repoussant ses longs cheveux, elle persifle :

« Bonjour Poséidon. Cela fait longtemps...

- Pas assez, je le crains.

Elle rit. Elle dégage le charme d'une sirène mais pourtant je le sens, elle est tellement plus.

- N'est tu pas heureux de me voir libre ?

- Pas le moins du monde. Tu aurais du rester où tu étais...

Méfiante, j'interroge :

- On peut m'expliquer ce qu'il se passe ici ?

- Ne te mêle pas de ça Mélusine.

Je fronce des sourcils. Il est hors de question que l'on me dicte ma conduite ou qu'on me donne des ordres. Je m'apprête à répliquer. C'est là que deux créatures monstrueuses et écœurantes sortent de l'ombre et la rejoignent, fouettant l'air de leurs queues menaçantes.

Mélusine - Baiser MortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant