Alors qu'un premier hiver post-apocalyptique est à leur porte, quelques êtres humains que tout semble séparer se lancent, presque malgré eux, chacun dans une quête folle qui les mènera au-delà d'eux-mêmes.
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Chapitre 2
Dans la vaste cuisine en bois massif de la ferme d'Hershel où le groupe avait pris ses quartiers depuis quelques jours à présent, face à l'évier sous la fenêtre d'où filtrait une douce lumière crépusculaire, remplissant la pièce d'une clarté au gout subtilement amer, la baignant d'une lueur orange pâle qui faiblissait d'instant en instant, Carol, avec de longs gestes calmes et posés, débarrassait silencieusement les assiettes de porcelaine rustique des restes de nourriture qui les recouvraient, effectuant avec l'éponge jaune qu'elle avait en main de lents mouvements circulaires dans l'eau mousseuse. Une fois chaque assiette lavée de sa saleté et de son film graisseux, elle la retirait délicatement du bac savonneux pour la plonger avec soin dans le second évier rempli d'eau claire et ainsi en éliminer les traces de détergent, et l'assiette interrompait son voyage momentanément sur l'égouttoir métallique déplié sur un torchon de vaisselle, déjà gorgé d'eau, à côté du bac de rinçage. Quand Carol eut fini de rincer la dernière assiette, elle entreprit, à l'aide d'un essuie propre et parfaitement sec, de retirer manuellement et soigneusement les dernières trainées humides sur ce qu'elle avait entreposé sur l'égouttoir, pour que chaque assiette puisse alors seulement atteindre sa destination finale dans l'armoire au-dessus du plan de travail où Carol empilait, avec d'infinies précautions, sans faire le moindre bruit, la vaisselle propre et sèche. Elle prenait soin d'échafauder de belles piles bien droites qu'elle regardait avec la satisfaction d'un artisan qui aurait accompli un travail précis et minutieux dont il pouvait être fier.
Carol était ainsi très concentrée, l'esprit entièrement focalisé sur cette tâche simple qui lui rappelait ses routines d'autrefois, ses occupations quotidiennes de femme au foyer. Elle pouvait presque entendre le bus scolaire s'arrêter devant sa petite bicoque située dans une rue tranquille d'un quartier résidentiel propret et apparemment sans histoire. Elle percevait même très nettement la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer derrière sa sage petite Sophia qui s'en revenait de l'école, le dernier cartable à la mode au dos. L'enfant allait alors embrasser sa mère, puis s'asseyait doucement à la table de la cuisine et attendait que les mains maternelles et aimantes lui préparent son gouter. Carol demandait toujours à sa fille comment s'était passée sa journée, ce qu'elle avait appris en classe, si elle s'était fait de nouveaux amis, si Thomas l'avait encore ennuyée dans la cour de récréation. Sophia répondait brièvement et timidement, sans jamais élaborer beaucoup, par un mensonge rassurant que sa mère s'astreignait à croire parce qu'elle ne savait pas quoi faire d'autre, parce que la seule force, le seul talent de Carol était de savoir prétendre, jusqu'à s'en convaincre elle-même, que tout allait bien.
Secouant la tête dans un mouvement à peine perceptible, fermant les yeux un très court instant avant d'observer à nouveau l'intérieur de l'armoire ouverte, Carol se mit à ranger les tasses avec une précision d'orfèvre, les empilant deux à deux, toutes les anses tournées vers la droite, les alignant en deux rangées parfaitement rectilignes. Elle avait toujours été extrêmement ordonnée, méticuleuse, consciencieuse; c'était pour cela qu'elle avait choisi de s'orienter vers des études de secrétariat qu'elle avait réussies, pas brillamment, Carol n'avait jamais brillé à l'école ni où que ce soit d'autre, mais elle les avait réussies néanmoins, sans rencontrer de problème. Elle avait même exercé épisodiquement la profession de secrétaire pour une entreprise active dans l'industrie du textile, avant son mariage avec Ed qui lui promettait un avenir radieux et idyllique, avant la naissance de Sophia qui avait définitivement sonné le glas du bonheur conjugal.