CHAPITRE 12

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CHAPITRE 12

Mardi 13 octobre 2020, 7h20

Le reflet que lui renvoyait le miroir n'était pas joyeux. Miranda essayait tant bien que mal d'effacer les stigmates de sa violente attaque, mais elle devait se rendre à l'évidence : ça ne partirait pas avant quelques jours. Le tour de son cou était violacé, noir par endroits, là où la plante avait serré. Elle peinait à tourner la tête tant ses cervicales restaient douloureuses. Son corps aussi était bien arrangé : des égratignures recouvraient son côté droit, ainsi que de nombreux hématomes un peu partout ailleurs. Elle ressemblait à un dalmatien, les poils et les oreilles pendantes en moins.

Elle passa les mains sur son visage. La douleur l'avait maintenue réveillée une bonne partie de la nuit, si bien que de grandes poches noires étaient visibles sous ses yeux. Elle se sentait épuisée et diminuée. Elle craignait que son état affecte ses réflexes. Sortir comme ça n'était pas une bonne idée. Cependant, la jeune femme n'avait pas le choix : Louise devait l'attendre dans les alentours du phare, et plus elle y resterait, plus elle serait vulnérable.

La nuit n'avait pas effacé sa détermination. Bernard avait tenté de la dissuader une nouvelle fois au réveil, en vain. Elle refusait de baisser les bras. Louise ne pouvait pas être morte. Pas comme ça. Pas aussi stupidement. Les gens mourraient en se sacrifiant, en combattant, pas écrasés par un phare. Et puis, son hôte avait dit qu'il n'avait pas trouvé de corps. Si Macron avait survécu, elle aussi.

Une fois rafraîchie, elle reposa le seau d'eau à terre et boîta vers le salon. Sa cheville n'avait pas dégonflée, malgré l'attelle que Bernard avait trouvé dans la pharmacie de l'appartement. Elle espérait se remettre rapidement. Si elle ne pouvait pas courir, elle était morte. Elle aurait préféré reprendre la route seule, bien sûr, mais elle connaissait ses limites. Elle n'était pas une super-héroïne, et si elle baissait la garde, qui sait ce qui lui tomberait dessus.

Miranda se laissa retomber dans le canapé de manière peu élégante. Macron, qui y dormait les quatre pattes en l'air, bondit prodigieusement et lui adressa un regard outré. Le chat s'étira et partit faire un tour, boudeur. La jeune femme le suivit du regard. Elle était désormais responsable de cette boule de poils. Elle n'avait jamais eu d'animaux avant, son train de vie ne s'y prêtant pas. Même si elle se sentait plus chien que chat, cette compagnie imprévue lui plaisait davantage que celle des autres humains qui vivaient avec elle. Pour lui donner plus d'intimité, Bernard et les jumelles dormaient dans l'appartement du dessus. Ils venaient de temps en temps prendre de ses nouvelles, lui donner à manger, mais leurs contacts s'arrêtaient là. Ils avaient probablement déjà compris que les compétences sociales de Miranda ne dépassaient pas le grognement en guise de « Bonjour ! » et le signe de tête pour répondre aux questions. Elle ne se sentait pas en confiance, mais reconnaissait qu'ils faisaient des efforts. Plus que Connor n'en ferait jamais en tout cas. Malgré l'absence de Louise, le retour du calme lui faisait du bien. Elle entendait toujours geindre le carillonneur dans son esprit lorsqu'elle dormait, on ne pouvait pas tout avoir, mais sa disparition arrangeait son humeur.

La porte grinça. La jeune femme se redressa, peu habituée à ces irruptions. Ils pourraient au moins toquer ! Son regard méfiant accueillit Rose et Blanche dans la pièce. Les deux jumelles restèrent silencieuses, comme à leur habitude, et posèrent quelques rations de nourriture sur la table basse. Miranda ne se sentait pas à l'aise autour d'elles. Il y avait quelque chose d'étrange qui entourait ces deux gamines. Une fois leur tâche effectuée, elles quittèrent l'appartement sans dire un mot. La jeune femme ne respira qu'une fois la porte claquée.

Elle se pencha sur ce qu'elles avaient posé sur la table : une pomme, un paquet de céréales et une boîte de paëlla en conserve. Le grand luxe. Affamée, elle dévora entièrement son repas en quelques minutes, et laissa quelques restes à Macron, qui l'avait observée pendant ce temps-là.

Macédoine | Roman post-apo avec des légumes géantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant