CHAPITRE 16

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Jeudi 14 octobre 2020, 15 h 02

Miranda fronça du nez lorsqu'elle entra à l'intérieur du chapiteau. Comme elle s'en doutait, pour donner l'impression d'être dans un vrai chapiteau, les concepteurs du bâtiment avaient oublié les fenêtres, remplacées par une ventilation intérieure qui ne fonctionnait plus depuis la Marée Rouge. Cela permettait certes de gagner de la place, mais venait en contrepartie avec un plafond vert de moisissure et une odeur abominable, qui émanait très certainement de l'habitant des lieux. Avec l'apocalypse, l'accès aux toilettes ou aux douches s'était fait rare.

Miranda prit sur elle pour ne pas le montrer. Elle avait besoin d'informations, et hurler que leur nouveau contact puait la mort n'aiderait pas ses affaires. Elle se contenta d'un regard de détresse tourné vers Bernard, qui s'excusa d'un haussement d'épaules. Les jumelles, elles, avaient déjà pris leurs aises. Elles s'étaient installées sur un vieux canapé pour fouiller ce qui lui sembla être un album de cartes Pokémon. Elle prit une inspiration. Qui préférait sauver ses cartes Pokémon en pleine apocalypse ? 

Frédéric, de toute évidence. Sa tanière criait cosplay et animes. Les murs étaient tapissés de posters humides de personnages féminins déguisés en... tanks. Des boîtes de conserve, certaines pleines, d'autres vides, étaient entassées dans un coin. Macron les renifla et ne put retenir un haut-le-coeur, ce qui confirma à Miranda de ne pas y toucher. Elles se trouvaient devant un tas de vêtements qui semblait provenir des magasins du parc, en juger par la présence de Maya l'Abeille sur une grande partie d'entre eux. Une armoire contenait des tas de comics, soigneusement rangés, en face d'un bureau à peine perceptible tellement il était rempli de déchets. Sans doute là où il vivait le plus, en déduisit-elle. De nombreuses figurines jonchaient un espace de travail encombré au milieu duquel trônait le matériel pour faire fonctionner la radio promise par Bernard. 

— Installez-vous là où vous voulez ! les encouragea Frédéric. C'est petit, mais en se serrant, on a déjà réussi à faire dormir vingt personnes ici !

Super. Cette pièce était un risque sanitaire à elle toute seule. Miranda se crispa légèrement et resta loin des murs et du canapé. Elle préférait rester debout. Leur hôte ne s'en offusqua pas et s'affala dans son fauteuil de bureau qui plia dangereusement sous l'effort. Nerveux, il attrapa un pot de cornichons vide et but le vinaigre aigre-doux d'une traite, sous le regard consterné de la jeune femme, qui se demandait sur quel individu elle avait encore eu la malchance de tomber. 

— Donc... Bernard m'a dit que vous aviez perdu quelqu'un et que ma radio peut vous aider à la retrouver, c'est ça ? 

— Oui, mon amie, Louise. Elle a disparu après l'éboulement d'un phare il y a quelques jours. Je ne l'ai pas trouvée dans les décombres, et j'espère qu'elle se trouve sur la route. Je sais que les chances qu'elle reçoive le message sont minces, mais je n'ai pas exactement d'autres options.

— Je vois. Eh bien... Je peux le faire, mais pas gratuitement.

Miranda sentit tous ses poils se hérisser. Par réflexe, elle attrapa le chat et lui carressa le dos pour éviter de laisser éclater sa colère. Elle prit une grande inspiration.

— Comment ça ? Qu'est-ce que vous voulez ?

— Oh, rien de très compliqué. Il y a un groupe qui vit plus loin dans le parc, près des bûches et du grand huit. Je me suis... embrouillé avec eux, et ils veulent que je parte. Convainquez-les et je vous file ma radio pour aussi longtemps que vous voulez. 

— Embrouillé comment ? se méfia immédiatement la jeune femme. Vous avez fait quoi ?

— Je préfère ne pas rentrer dans les détails. Mais disons qu'ils me veulent mort. Débrouillez-vous pour m'aider, et je vous aide, c'est ma condition.

Macédoine | Roman post-apo avec des légumes géantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant