CHAPITRE 27

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Mercredi 20 octobre 2020, 6 h 30

La portière d'une voiture claqua sèchement. Le son se répercuta en écho dans la rue vide. Agacée, Miranda ne s'attarda pas sur place et se dirigea vers la voiture suivante, les jumelles sur les talons.

Connor, Frédéric, les fillettes et elle s'étaient mis en route sur les coups des quatre heures du matin. Ils avaient traversé une partie de la ville de Bruges à pied avant de tomber sur un grand parking abandonné. Depuis deux heures, les trois adultes du groupe cherchaient une voiture encore capable de démarrer, ce qui s'avérait plus compliqué que prévu. Plus le temps passait, plus l'essence devenait une denrée rare, et en particulier dans les grandes villes où les survivants passaient régulièrement. Bientôt, il faudrait se contenter de la marche, ou, avec un peu de chances, de vieux vélos qui avaient survécu à la Marée Rouge. Pourraient-ils seulement revenir un jour aux temps d'avant, même si les légumes disparaissaient ? Elle en doutait. Ils étaient trop peu, trop dispersés pour que leurs ambitions aient un quelconque poids.

Un crachat de moteur la tira de ses pensées noires. Elle releva la tête en direction du bruit, tout comme Connor, quelques rangées plus loin. Le bruit se fit d'un coup plus franc.

— Par ici ! cria Frédéric, non loin.

Les survivants suivirent sa voix et le trouvèrent à côté d'une grande voiture sept places rouge pimpante. Ils auraient au moins de la place. Connor se jeta sur la place conducteur avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit. Frédéric et les filles grimpèrent immédiatement à l'arrière. Elle soupira. Bien sûr, ils lui laissaient le plaisir de passer les prochaines heures à côté de Connor. Elle se débarrassa de son sac sur la banquette arrière, puis s'installa côté passager, à l'avant, le sac où Macron était enfermé sur les genoux.

— Je ne sais pas si on aura assez d'essence pour faire tout le voyage, confia Frédéric, en dépliant sa carte pour guider Connor. Mais si ça peut nous permettre de nous rapprocher...

Ce serait déjà pas mal, songea Miranda.

Connor s'engagea vers la sortie du parking, puis sur la route. Comme partout, elle était très encombrée, et en particulier au niveau des sorties de la ville. Le trajet prendrait plus de temps que prévu, mais chaque mètre gagné était une victoire en soi.

Miranda resta aux aguets alors que Connor évitait les nombreux objets sur le chemin. Elle n'avait pas très envie de revivre une partie de jambes en l'air à cause d'une racine en embuscade. Elle lança un coup d'oeil à l'arrière. Les jumelles discutaient à voix basse dans les deux sièges derrière Frédéric, peu inquiètes. Tant mieux. Au moment de partir, elle avait hésité à les embarquer, mais n'était finalement pas revenue sur sa décision. Elles étaient mieux avec elle qu'avec Bruce. Elle préférait s'assurer de la protection des personnes proches d'elles à présent. Ce qui était arrivé à Louise lui avait servi de leçon.

Un « clic, clic » agaçant la fit baisser les yeux. Connor essayait de mettre en marche la radio. Elle lui frappa la main.

— Concentre-toi sur la route, le rappela à l'ordre Miranda.

— On peut aussi faire les deux. Il n'y a pas des CD dans la boîte à gants ?

Miranda leva les yeux au ciel, mais se baissa pour regarder. Elle referma aussitôt. Connor leva un sourcil.

— Vieux préservatif. Usagé, je dirais. Je ne fous pas la main là-dedans.

— C'est quoi un présersa...fatif ? demanda Rose à l'arrière.

— Ah, bon courage avec ça, se moqua Connor. Une fois qu'elles commencent à poser des questions, tu dois tout leur expliquer.

Et il avait raison. Pendant une vingtaine de minutes, les joues rouges et sans aucun soutien des deux autres hommes du véhicule, elle expliqua grossièrement à quoi servait les préservatifs, et pourquoi il était important de se protéger avant l'apocalypse. Est-ce que ça avait une quelconque importance aujourd'hui ? Sûrement, les maladies sexuellement transmissibles ne s'étaient pas envolées magiquement, mais le risque d'extinction ne prévalait-il pas sur les recommandations d'une organisation mondiale de la santé qui n'existait plus ? Devrait-elle se résoudre à copuler pour aider au maintien de leur espèce ? Cette simple pensée la fit frissonner de dégoût.

Macédoine | Roman post-apo avec des légumes géantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant