À table, l'ambiance n'est pas à la fête. Tu observes tour à tour ton papa et ta maman en regrettant l'absence de ton grand frère qui est à nouveau parti en tournée avec toute l'équipe du ballet dans lequel il joue. Il te manque même si il a été le premier à ne pas te croire lorsque tu lui as expliqué ce que la danseuse que tu avais interviewé t'avais fait. La dame a disparu cette nuit là et personne ne l'a jamais retrouvée, tu espères vraiment qu'elle est en train de crever en enfer. Le ballet dans lequel dansait ton grand frère à l'époque avait du être annulé après seulement une représentation et ça avait causé des soucis à tous le monde. Comme quoi cette femme était vraiment détestable.
__ Demain soir, nous sommes invités chez des amis et tu es bien évidement également conviée.Ton père travaille dans la société de notre hôte alors tu as intérêt à faire bonne figure.
Tu observes ta mère qui te débite tout ça de sa voix sans expression et hoche la tête alors que tes yeux glissent sur ses lèvres qui ne sourient jamais. Ce n'est pas tellement qu'elle est froide mais plutôt que sourire donne des rides, enfin, c'est ce qu'elle dit. Papa hoche la tête en regardant son assiette et tu plantes ta fourchette dans un morceau de carotte.
__ Pourquoi vous voulez me prendre avec vous si il faut faire bonne figure ? Une gamine à problèmes en fauteuil roulant ce n'est pas particulièrement bien vu, si ?
Ta mère pince les lèvres et s'essuie les coins de sa bouche avec sa serviette avant de te regarder en plissant les yeux.
__ Ils savent que nous avons deux enfants, venir seuls seraient quelque peu suspect.
C'est quoi cette excuse ? Tu te retiens de ne pas lever les yeux aux cieux et avales ton légume orange.
__ Et pour Jonas ?
__ Hors de question de dire qu'il va jouer les danseuses à Moscou, nous prétendrons qu'il est partis étudier quelques temps à l'étranger.
__ Vous avez honte de lui, n'est-ce pas ?
__ Allons que racontes-tu ?
__ Vous savez très bien ! Même maintenant que c'est un danseur professionnel, vous le critiquez toujours !
Si tu avais eu des jambes, tu serais partie en claquant la porte mais dans ce fauteuil, le geste aurait vraiment été pitoyable. Tes parents sont aussi ouverts d'esprit que des huîtres et plus tu grandis plus tu t'en rends compte. Au début, Jonas devait même prendre des cours en cachette pour éviter une troisième guerre mondiale à la maison.
__ Cesses de nous parlez sur ce ton, Loredana !
__ Bien, merveilleuse soirée en perspective donc, je viendrais jouer l'enfant modèle demain soir !
Ta mère hoche la tête et tu avales rapidement le contenu de ton assiette sans te soucier des regards noirs que tes deux géniteurs t'envoient.
__ Est-ce que je peux sortir de table ?
__ Je t'en prie.
Tes bras encore douloureux de la longue journée s'activent néanmoins et tu roules jusqu'à ta chambre, déplacée au première étage depuis que tu n'es plus capable de marcher. Tu rentres dans la pièce et ferme la porte à clef avant d'aller t'étaler sur ton lit, enfin tranquille. Tu finis par te redresser et attraper ton sac de cours pour commencer tes devoirs. Le temps passe avec une lenteur affolante tandis que tu tentes vainement d'apprendre ton cours sans rien comprendre. Tous s'emmêlent dans ta tête et tu finis par abandonner en te promettant d'écouter plus attentivement le cour le lendemain. La vie ressemble à une longue répétition d'action identiques.
Tu soupires et ranges tes affaires avant de retourner sur ton fauteuil. Tu te débrouilles pour te mettre en pyjama et te brosser les dents, les gestes - compliqués au début - rendus aisés par l'habitude. Tu finis par te glisser sous les draps dans le but de lire quelques pages du premier roman qui te tombera sous la main mais rien ne t'intéresses et tu finis par t'endormir sans faire de rêves. Il vaut sans doute mieux oublier cette journée le plus rapidement possible, du moins, c'est ce que tu crois.
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Voici un tit plongeon dans l'univers familial de Loredana, j'aime assez bien ce chapitre parce qu'il représente pour moi vraiment les deux mondes qu'elle connaît. Lorsqu'elle est avec ses parents, elle a l'air beaucoup plus grande je trouve, comme si les attentes qui pesaient sur elle l'empêchaient de souffler et que par conséquent, elle se permettait de relâcher la pression. J'espère que ça vous aura plus, des bisouuuus
