4. Divagation

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Hey, mogo maudit, maudit mob, check
Je suis dans un putain de train d'enfer mogo
Hey, un Eurostar sous le Styx
J'ai tué mes journées avant l'aurore
Quelques pétales de doses n'adouciront pas l'horreur
Ah un putain de train d'enfer

Laisse moi solo me parle pas d'eux
Tous ces bâtards font que de gober
Le savoir est une arme j'laisse du plomb dans le crâne
Comme la main droite de Kurt Cobain
Bang bang bang
Y'a ceux qui attendent l'aube et d'autres qui vont chercher l'aubaine

FK, Train d'enfer

Le paysage monotone défilait, et la ligne électrique montait et descendait à un rythme hypnotique. Désiré somnolait la tête appuyée contre la vitre, les écouteurs dans les oreilles, le son au minimum. Il regarda l'heure. 12h13. C'était son deuxième train, entre Stuttgart et Nuremberg. Il lui restait deux correspondances, la première à Plattling, la deuxième à Zwiesel. En théorie, son arrivée était prévue à 15h32 en gare de Spiegelau. Désiré n'avait pas la moindre idée d'où se trouvaient ces villes. Il espérait simplement que les gares seraient plus petites et moins compliquées que celle de Stuttgart, où le bruit et la foule n'avaient en rien apaisé sa migraine.

Évidemment, il rata sa correspondance à Nuremberg, et un chef de gare bienveillant réussit à l'orienter vers le train suivant en direction de Spiegelau. On lui avait communiqué un numéro à joindre en cas d'imprévu, il envoya un message.

« Raté le train, arrivé 17h14. »

Tant pis pour le hors forfait, il en avait déjà eu pour cent euros l'aller simple de toute façon.

La gare de Spiegelau ressemblait à un vieux corps de ferme encerclé d'herbes folles, Désiré hésita en haut des marches du wagon. Son sac à dos jeté sur l'épaule, il regarda, perplexe, le panneau Bahnhof Spiegelau et s'écria « Putain, c'est quoi ce trou paumé ? » Il posa un pied hésitant sur le quai désert et regretta sa décision tout le temps où le train s'éloigna. Quand ce dernier eut disparu au loin, il finit par se résigner et suivit le panneau Ausgang / Parkplatz. Il ne parvenait pas à identifier l'odeur omniprésente de ce petit patelin. Certainement un mélange de charbon et de conifères, d'espèces qui lui étaient inconnues.

Il trouva le parking quasi désert, mais repéra une vieille jeep avec un homme qui semblait faire la sieste les pieds sur le tableau de bord. Il reconnut son prénom sur un écriteau en carton posé négligemment contre le pare-brise.

Alors qu'il s'approchait, l'homme releva la tête. On aurait dit un vieux hippie, le visage buriné et creusé de rides profondes, une barbe blanche mal rasée, un chapeau de cow-boy, bermuda et chemise ample. Désiré n'eut pas le temps de le saluer.

« Hallo, bist du Désiré ? Ich heisse Murat. Wilkommen nach Spiegelau. Hast du gut gefahrt ? Komm mal, du bist der lätzte. »

Désarçonné par ce flot de paroles auquel il ne comprit rien, Désiré serra la main ferme qui lui était tendue et balbutia « Euh bonjour, moi c'est Désiré.

— Ich spreche kein Französisch, tut mir leid. Also los, wir müssen gehen. »

Désiré s'installa côté passager et la jeep démarra dans un pétaradement qui donna une assez bonne idée de son kilométrage. Ils sortirent du hameau en deux minutes et s'engagèrent sur une nationale. Le hippie faisait la conversation et Désiré feignait de comprendre, regardant du côté où son chauffeur pointait le doigt et hochant la tête. Il finit par laisser échapper un rire nerveux tout en disant « Je comprends que dalle, Hans. Je vais t'appeler Hans parce que t'as une vraie tête d'allemand, ça te dérange pas ? »

Babylon - Le Voyageur DésiréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant