_BANG CHAN ;
Effrayé serait sûrement le mot le plus adéquate et le plus représentatif de mes sentiments. Cette maudite lettre, que fait-elle chez moi ? Lorsque j'ai écouté le communiqué sur cette expérience, je n'aurai jamais imaginé une seconde être l'un de ces sujets. Quelle horrible tournure. Mes doigts tremblant parcourent le papier sur lequel est inscrit ma mort.
-Qu'il y a t-il Chan ? ma mère dépose le journal sur le divan, se dirigeant vers moi.
Mais son visage devient blême dès lors où ses yeux se posent sur l'enveloppe bleue. Les yeux larmoyants, je la regarde, longuement, et mon esprit me hurle que ce serait bien la dernière fois que je la verrais. Pris d'une profonde tristesse, j'invite alors ma mère dans une étreinte chaude et humide par nos larmes unies dans cette nouvelle dramatique. Il relevait de l'impossible quiconque étant capable de faire pleurer une femme aussi vaillante et forte que ma mère, mais cette pression sur ses épaules, cette nouvelle peur d'une très possible perte sur son dos l'a fait chuter. Un poids en trop, une goutte qui fait déborder le vase, et en fait couler par centaines. Et la voir dans un tel état simplement pour moi me rends si peiné. Je ne veux pas la voir souffrir par ma faute, mais lâche que je suis, je ne veux pas m'éloigner d'elle.
-Je, je dois y aller maman, je dois me rendre là-bas, lançais-je finalement d'une voix chevrotante.
-Chan, mon garçon... ma mère essuie ses larmes d'un revers de manche, n'oublies pas d'aider ces pauvres personnes qui seront dans le même cas que toi. S'il te plaît.
-Bien sûr maman, bien sûr. Je...je te le promet.
Le bon temps des longs et douloureux adieux passé, je n'eus d'autres choix que de m'en aller, loin de ma tendre mère. Les écouteurs vissés dans les oreilles m'aident à m'évader loin de ce monde ne serait-ce que l'espace de quelques instants. Une douce musique, Lovely, m'enivre et m'emporte dans ses couleurs maussades et sombres de la tristesse et de la mélancolie. La voix cristalline de la jeune femme m'inspire et me plonge dans des songes auxquels je n'aurai jamais imaginés. "Tu rends service au monde entier mon pote" cette phrase ne cesse de se répéter dans mon esprit, tel un disque rouillé. Mais je me sens si intimidé de l'extérieur qui, pourtant, ne m'est pas nouveau ; depuis enfant, j'ai pris la bonne habitude de jouer avec d'autres garçons de mon âge. Bien entendu, les activités changeaient au fil des années. Les amis aussi. Mais ces rues me sembles si étrangères, comme si c'est bien la première fois que j'y mets les pieds. Et les passants ne me facilitent pas la tâches, leurs regards allant de la pitié au soulagement de ne pas être mêlé à un tel destin. Je les sens observer fixement la lettre bleue chiffonnée entre mes doigts. Ce que j'aimerais donner ce foutu papier au premier venu et retrouver mon chez-moi, ma famille. Mais les lâches ne survivent pas bien longtemps.
Bientôt, l'imposant building du centre JYP se présente face a moi, avec sa hauteur vertigineuse et ses nombreuses vitres sombres victimes des reflets du soleil. Sa façade entièrement peinte de blanc laisse à imaginer une prison, ou tout autres endroits auxquels personne n'aurait la sordide envie d'y entrer. Au sommet du bâtiment, les initiales JYP inscrites en grosses lettres bleues témoignent bien que je ne me suis pas trompé d'endroit. Il ne reste plus que quelques mètres avant d'atteindre le centre, et pourtant je n'ai nullement l'envie de m'approcher d'avantage. La brise matinale s'échoue sur mes joues comme les douces vagues sur les plages d'été. La musique n'est pas encore terminée, et il est possible que ce soit bien la dernière fois que je puisse en écouter. Mon cœur me hurle de rebrousser chemin, et fuir loin des problèmes. Mais trop tard ; mes pieds m'emmènent machinalement vers l'entrée. Et lorsque la porte fut poussée, je me retrouve à l'intérieur. L'anxiété est telle qu'un atroce mal de ventre s'aggripe à mes tripes et ne veut plus me lâcher. Et je grimace de douleur. Mais ne n'eus le temps de reconsidérer mes précédentes actions qu'une petite femme accourt dans ma direction. Son expression aux traits tirés laisse penser qu'elle est stressée, peut être même autant que je le suis. Redressant rapidement ses lunettes sur son nez, la secrétaire m'adresse un bref sourire.