_JISUNG :
L'air pesant ne nous a pas lâchés depuis notre entrée dans la forêt. Le silence pourrait paraître sécurisant, mais c'est tout le contraire ; chaque pas que nous faisons dans la terre est un réel chao dans tout le bois. Chacun d'entre nous tient fermement une arme à la main, prêt à se défendre en cas d'attaque. On pourrait s'attendre à tout maintenant.
Mon corps tout entier est victime de tremblements, et au fond de mon être un énorme noeud se noue. Mes poils s'hérissent jusque mon épiderme, la nausée m'aggripe aux tripes. Cette envie vomir mes boyaux est si forte, j'en ai une terrible migraine. Je suis effrayé de ce qu'il peut nous arriver. Je suis effrayé à l'idée de perdre quelqu'un. Après tout, nous avons vécu tant d'atrocité, je ne vois pas pire scénario. Et pourtant, Dieu sait que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Nous allons encore souffrir comme des martyrs.
- Reste près de moi, murmure Minho.
Lentement je hoche la tête, puis je presse le pas pour m'approcher d'avantage. Timidement, j'aggripe du bout des doigts l'extrémité de son pull. Malgré son visage neutre, je peux voir apparaître l'ombre d'un sourire sur ses belles lèvres.
Depuis cette nuit-là, je n'ai cessé de penser à Minho. À sa voix, à sa chaleur, à sa peau. Tout de lui tourne dans mon esprit, encore et encore, comme un vieux disque rouillé. Et pourtant, c'était comme si ces heures intimes passées avec lui n'étaient qu'un doux rêve, une utopie. Encore maintenant, j'ai beaucoup de mal à y croire. Mais Minho ne manque jamais de me rappeler que tout cela est bien réel ; de part ses mains qui réchauffent les miennes lorsque j'ai froid, ses coups d'œil répétitifs, ou alors ses caresses lorsque nous sommes seuls.
Dans un mutisme complet, j'ose un regard en arrière. Seungmin et Changbin sont à la traîne, quelques mètres plus loin. Ils paraissent être pris dans de profondes et sérieuses conversations. Il semblerait que le brun tente une approche afin de consoler le démuni.
Si la mort de Felix nous a tous frappés, Changbin lui a reçu un coup de poing bien placé dans le cœur. Jamais je n'aurai pu l'imaginer dans un tel état, il a l'air comme vidé de toute vie. Son apparence forte et puissante cache tant de faiblesses. C'est effrayant combien une personne peut être douée pour dissimuler des sentiments aussi destructeurs, sans même que son entourage ne puisse le voir. Seul Changbin connaît ces moments où, seul, il verse des larmes de rage.
- On devrait plus être bien loin... marmonne Chan.
J'ose un regard par-dessus l'épaule de Minho, et aperçois l'Australien tenant en ses mains un plan de l'île. Je me reconcentre sur mes godasses qui piétinent honteusement le sol. Le tissu est totalement déchiré, ces lambeaux ne portent plus que le nom de chaussures. Maintenant que j'y apporte plus d'attention, l'herbe est vraiment fausse.
On a tous été salement dupés durant tout ce temps. Quelle vérité dégueulasse. Je me sens comme un rat enfermé en cage, scruté par des fous.
Au fond, c'est bien ce que nous sommes. Des sujets d'expériences, nous ne sommes pas bien différent de ces bestioles.
Le bruit de mes chaussures s'enfonçant dans la boue, le rythme de mes pas, tous ces petits détails je les observe d'un œil bien attentif.
- Les gars !
Chan se précipite au bord de la falaise, un faible sourire d'espoir aux lèvres. Bien que fatigués et épuisés, nous le rejoignons, et la vue n'en est qu'époustouflante.
Le ciel violacé s'étend loin dans un horizon artificiel, tandis qu'un vieux laboratoire abandonné repose en roi plus bas.