_CHANGBIN ;
Les rayons du soleil me tirent hors de mon sommeil, et un grognement rauque s'échappe de mes lèvres alors que je me redresse sur le lit. La lumière se filtre paisiblement à travers le fin rideau de soie grisâtre volant somptueusement sous l'air de la brise matinale. Rassasié par tant de repos, et finalement en paix avec mon esprit chamboulé de nombreuses interrogations, je me laisse retomber sur le matelas moelleux. La couverture et les coussins sont si douillets et confortables que je me suis endormi à la seconde où j'ai osé m'allonger.
La chambre est bercée par les ronflements calmes de Chris qui trahissent le silence de mort qui semble régner depuis la veille. En y repensant, nous n'avons pas beaucoup discuté, enfin c'est ce que je pense, puisque j'ai du être le premier à m'endormir. D'un point de vue stratégique, c'était plutôt stupide de ma part, le sommeil fait de moi un homme à la garde baissée, par conséquent totalement innoffensif. Mais je sais que Chan et Felix ne sont pas du genre traitre, ou quoi que ce soit d'autre. En revanche, je ne ressens pas la même chose vis à vis de Woojin. Ce type est sacrément louche, avec son regard plissé, comme s'il cherchait à déceler une faiblesse quelconque qui lui permettrait de tous nous piéger plus facilement. À mon avis, je devrais garder un œil sur ce gars-là.
Le lit près de moi se met soudainement à grincer, et les yeux perçant de ce chat sauvage me dévisagent sans aucun scrupule. Comme s'il semblait encore être sur ses gardes, m'intimant d'être tel un prédateur sournois et dissimulé. Il a beau être un sale mioche, ses yeux détiennent cette ombre sombre et dangereuse qui devrait en effrayer plus d'un. Malheureusement pour lui, nous sommes deux. Nous échangeons un interminable et pénible regard, alors que mon air blasé ressurgit pour relâcher mes traits. Même si ce Felix est silencieux, il n'en est pas moins ennuyant.
-Pas besoin de me toiser aussi mal, commençais-je alors, agacé par ce silence, j'ai aucune idée sordide derrière la tête qui me permettrai de me débarrasser de toi.
Mais le gamin, bien trop têtu pour être mature, n'a que faire de mes remarques. Muet comme une tombe, il finit par quitter son lit, ainsi que la chambre en fermant la porte sans aucune douceur. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurai ravalé mes belles paroles et l'aurais poursuivis dans toute la maison afin de l'étrangler, mais ma bonne foie est plus forte que mon orgueil. Résigné, je roule sur le dos, les mains posées sur mon torse, le regard profondément rivé sur le plafond.
Toute cette agitation me rend perplexe. De nature solitaire et indépendant, je ne suis franchement pas habitué à autant de compagnie. D'aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours agit dans mon propre intérêt. Jamais je n'ai fais un choix en fonction des autres. Moi, moi et moi ; voilà mes préoccupations. Longtemps, je me suis posé la question ; pourquoi suis-je aussi égoïste ? Évidemment, j'en viens toujours à une seule et même raison qui me sert de parfaite excuse ; l'abandon, tel est son nom. Trop restreint par l'arrivé d'un bébé, ces deux inconnus ont préféré abandonner cet être qui leur est leurs, seul et perdu dans un monde sauvage et rude. En grandissant, je me sentais tellement honteux que j'ai préféré les faire passer pour morts. Et adulte, ce mensonge est passé comme vérité à mes yeux. Je me suis finalement convaincu de ma tromperie. N'est-ce pas pathétique ?
Au fond de moi, je le sais, je ne suis pas une mauvaise personne. Mais cela n'en fait pas de moi une bonne pour autant. Cependant, lorsque j'ai vu Chris, démunis et apeuré à l'idée de risquer sa vie pour celles de millions de personnes, je me suis sentis empathique, impliqué par ses émotions. Ce blondinet un peu niais sur les bords m'a fait réaliser qu'au final, je trouverais toujours un chieur pour venir me coller, et que je serais aimé. Ce blondinet un peu peureux a fait raviver cette flamme éteinte depuis bien trop longtemps. Et c'est bien pour cette raison que Chan va vivre.
Parce que je veux qu'il soit ce petit chieur qui viendra me coller.
*
_HYUNJIN ;
La réalité me tire brusquement de mes songes lorsque une vague de douleurs me traverse tout l'abdomen. Je me cambre violemment, laissant échapper une longue floppée de sanglots soudains incontrôlés. Je me révulse brusquement, bavant aussi stupidement qu'un chien. Sous l'effet de l'adrénaline, je chute du lit et tombe vulgairement sur le sol en bois acajou. Contorsioné contorsionnant, je me remue sans relâche, essayant en vain d'échapper à cette atroce douleur.
Qu'est ce qu'il m'arrive bon sang ?!
Victime de spasmes, je peine à me remettre sur mes genoux. Les larmes dévalent mes joues, des gémissements souffrants et insistants obstruent la chambre maintenant si étouffante. J'approche deux doigts tremblant vers ma bouche, les enfonçant au plus profond de ma gorge afin de me faire vomir. Tout se relâche brusquement sur le tapis de soie, alors que des bruits malsains et une odeur répugnante embaument les quatres murs si étroits. Et le passage d'un engin dans ma gorge me fait vomir d'avantage. Toujours plus. C'est alors qu'un mini GPS tombe banalement sur le bois.
Des pas rapides grimpent l'escalier, et la porte s'ouvre brusquement ; un roux et un brun se figent alors. Mes yeux quittent le traceur, et, tout larmoyants, confrontent les deux jeunes hommes d'un regard absolument horrifié. Le roux secoue brièvement la tête et s'accroupit à mes côtés, tapotant lentement mon dos tremblant.
-Hey, commence-t-il d'une voix douce, tout va bien maintenant. Minho, c'est quoi ça ?
-Bordel on lui a fait avaler un GPS ?! s'alarme alors le brun.
Ledit Minho s'approche à son tour, récupérant le mini GPS. Ce truc, il était en moi il y a seulement quelques minutes. Ce truc était en moi. Le roux tente de me relever, puis nous descendons progressivement les escaliers, suivis du brun. Assis sur le canapé, je peine à canaliser mon souffle effréné par tant de frayeurs. Le jeune homme à la tête d'écureuil réapparaît avec un verre d'eau qu'il n'hésite pas à me tendre.
-Je m'appelle Jisung, dit-il en prenant place à mes côtés, et toi ?
-Hyunjin..., répondis-je simplement.
Jisung caresse gentiment mon épaule, et d'un beau sourire, il incline la tête sur le côté. Je ne tarde pas à rougir, très peu habitué à de telles manières.
-T'as l'air d'aller mieux, renchérit Minho, crispé sur son sofas.
Le regard rivé sur le verre vide posé sur la table, je hoche timidement la tête. Jisung passe sa main dans mes cheveux, puis se relève d'un bond.
-Sais-tu si l'eau fonctionne ? Tu devrais prendre une douche bien chaude, je suis sûr que tu seras calmé après !
Et c'est ainsi que je me retrouve seul, face au miroir de la salle d'eau. Ce que je suis sale. Mes cheveux sont tout emmêlés, et mon visage est recouvert d'une couche de saleté incurable. Mes lèvres sont horriblement sèche, j'ai beau passer ma langue dessus, rien n'y fait. Et ces vêtements en lambeaux ne m'ont certainement pas protégés de la pluie ou du vent. De toute manière, mon gilet l'était déjà depuis des années. La porte verrouillée, je me dévêtis et entre dans la cabine. Rapidement, l'eau brûlante vient s'abattre sur moi, ses gouttes par milliers trouvent leur chemin sur mon corps nu. Mes muscles se détendent et je lâche un soupir inaudible. Accoudé à une des parois, le regard rivé sur mes pieds, je ne cesse de réfléchir, et réfléchir éternellement.
Tu vas crever rapidement, Hyunjin.