epilogue

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Trois ans.

Ces trente-six mois, cent quarante-quatre semaines, mille quatre-vingt-quinze jours, onze mille deux cents quatre-vingt heures écoulés, et pourtant je compte toujours. Ouais, je compte chaque putain d'heure passée depuis trois ans. Chaque heure passée depuis sa mort.

Ces chiffres, je peux même pas les prononcer correctement à voix haute sans bafouiller comme un idiot, et pourtant ils sont là, gravés dans mon esprit à l'encre indélébile. Et il ne se passe pas une seule minute, une seule seconde sans que je ne pense à lui.

Après tout, n'était-il pas mon seul et véritable ami ?

Cet ami, qui a sauvé l'humanité. Vous trouvez pas ça cool, vous, de se venter d'un tel ami auprès des gens ? De clamer haut et fort son courage, sa bravoure, son erreur d'accepter un tel destin ? Son entêtement à toujours vouloir protéger ses amis, sa famille, tout le monde, sans même se soucier de lui-même ?
Je trouve ça putain de cool.

Alors pourquoi j'arrive pas à me sentir aussi chanceux ?

Cette question brûlait mes neurones depuis si longtemps, sans que je ne puisse parvenir à une réponse. Mais n'y-a-t-il pas une réponse à chaque question ?

Comme par exemple, "pourquoi ces trois-là sont morts, et pas moi ?". Peut importe la réponse, elle ne sera jamais en ma faveur.

Mais depuis qu'il nous a tous sauvé, depuis qu'il a disparu, tout est de nouveau normal.

Normal, peut être bien, mais ce ne sera plus jamais comme avant.

Minho n'est plus que l'ombre de lui-même, une pâle copie, une marionnette. Sa culpabilité a volé le meilleur de lui-même ; la mort de Hyunjin se répète en boucle, comme un disque rayé dans son esprit. Il le voit, le cadavre déchiqueté qu'il était devenu, et combien il se sentait monstre de ne pas l'avoir sauvé. Il le hante la nuit, le rendant fragile lors de ses terreurs nocturnes traumatisantes.

Lorsque je lui rend visite, il ne sait aligner trois mots pour faire une phrase, toujours des réponses brèves, vides ; il fixe toujours un point mort sur le mur, comme s'il espérait trouver réconfort dans son esprit brisé ; il semble totalement coupé du monde. C'était comme si son corps était là, mais son âme avait disparu.

Une fois, le pauvre a pleuré sous mes yeux, pour la première et dernière fois. À ce moment-là j'avais pus voir en lui ce qu'il avait sûrement vu en moi : un homme brisé.

Jisung, lui, essaie chaque jour de rester optimiste. C'était presque impossible de découvrir ses démons derrière ces sourires qui m'assuraient toujours combien il était capable de surmonter ses pulsions. Mais je sais qu'il attend juste la nuit, où ses larmes ne seront pas vues au grand public, et où ses sanglots ne seront entendus de personne.

Il continue à se faire du mal de temps à autres, lorsque les souvenirs ne veulent plus quitter son esprit, lorsque la douleur est bien trop lourde sur ses épaules pour pouvoir le supporter. Je l'ai déjà vu recroquevillé contre un coin de la pièce, face au mur, le regard dans le vide à se déchiqueter la peau. Bien que ça me fait beaucoup de peine de le voir parfois dans un tel état, je ne peux rien faire pour l'aider. Je ne ferais qu'empirer les choses.

Quant à Seungmin... Il était tellement triste. En colère. Il voulait un coupable. Mais pourquoi chercher un coupable lorsque l'homme derrière toutes ces horreurs avait disparu mystérieusement ? Aucune explication rationnelle ne pouvait l'apaiser, son intelligence ne le rendant que plus fou envers le monde, envers lui-même.

𝐓𝐡𝐞 𝐈𝐬𝐥𝐞 - 𝐒𝐭𝐫𝐚𝐲 𝐊𝐢𝐝𝐬Où les histoires vivent. Découvrez maintenant