CHAPITRE DOUZE - Sakuti

209 35 29
                                    

Sakuti est le dieu de la médecine chez les Japonais.

Pansements

Soen était malheureux. D'après lui, il l'avait toujours été, mais il avait la désagréable impression de l'être davantage en ce moment. Son mariage était en train de couler à pic, sa femme le bassinait pour avoir un enfant dont il ne voulait pas et ses pensées étaient obnubilées par de la glace.

Et, ce jour-là, Soen savait qu'il devait retrouver Jake Williams. Celui qui était à l'origine de tous ces maux. C'était un meurtrier, un braqueur et un preneur d'otages. Soen ne savait pas si toutes ces choses étaient vraies, il devait juste le défendre. Sa culpabilité ne changeait rien.

En attendant cette rencontre, il était incapable de fermer l'œil. Ses pensées prenaient bien trop de place dans son crâne. Et il avait l'impression qu'il manquait quelque chose dans cette chambre d'amis pour qu'il puisse dormir convenablement.

Un bruit sourd avait attiré son attention, il était pratiquement sûr que cela venait du rez-de-chaussée. Discrètement, il avait ouvert la porte de la chambre, étonné que Ogon ne soit pas là pour monter la garde.

Soen n'avait pas pris le temps de s'habiller. Il s'imaginait face à des cambrioleurs et la situation l'amusait beaucoup. Se faire cambrioler alors que sa femme et lui étaient déjà pris en otage avait quelque chose de risible.

La lumière de la cuisine était allumée et Soen avait traversé le couloir à pas de loup, ne souhaitant pas se faire surprendre. Il s'était brusquement arrêté dans l'entrebâillement, la gorge sèche, les yeux hors de leur orbite.

K était là, si vulnérable. Son dos impressionnait Soen, mais c'était surtout le sang qui s'en écoulait qui le clouait sur place. K se tenait au plan de travail, les jointures blanchies par la pression qu'il exerçait dessus. Son t-shirt était roulé en boule non-loin de là, imbibé de sang.

Soen s'était davantage rapproché, son organe vital cognait dans sa poitrine. Son instinct le poussait à s'approcher de lui bien qu'il ne sache pas vraiment pourquoi. Il avait étendu ses doigts devant lui, prêt à sentir la pulpe de sa peau.

Lorsque leurs épidermes étaient rencontrés en contact, un courant d'électricité avait frappé Soen. Un truc fugace, un simple éclair. L'instant d'après, il était plaqué contre un des murs de la cuisine, les mains emprisonnées au-dessus de sa tête.

Deux flocons de neige le fusillaient du regard.

— Je peux savoir ce que t'es en train de foutre, Soen ?

Sa voix sifflait, un peu comme le vent dans les feuilles. Le brun avait fermé les yeux, ne sachant plus quoi dire.

— Tu saignes.

Ce constat blessait Soen. Intérieurement. Et voir le sang qui s'écoulait lui rappelait que K n'était pas un surhomme, bien au contraire.

— Laisse-moi désinfecter ton dos. S'il te plaît.

Sa voix était basse. Presque chevrotante. A vrai dire, le brun avait peur qu'il refuse. A son grand étonnement, K avait attrapé son t-shirt sur le plan de travail avant de le détailler longuement. Quelques frissons plus tard, ils étaient en chemin vers la salle de bain de l'étage.

Soen était en tête, il n'était pas très à l'aise avec l'idée du sang. Ça lui donnait des haut-le-cœur. Pourtant, il venait de proposer son aide à un type ensanglanté dans sa cuisine. Type qui était accessoirement son bourreau. Et qui était aussi le premier mec sur lequel il s'était branlé.

Ça commençait à faire beaucoup.

L'instant d'après, K était assis sur la baignoire, Soen farfouillant dans les placards à la recherche de coton. Et peut-être bien d'alcool à quatre-vingt-dix. Le brun ne s'était jamais battu, il ne savait pas vraiment ce qu'il devait faire.

nebulaWhere stories live. Discover now