9 Avril, Verdun

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« 9 Avril, Verdun

Diane,

Pardonnez ma future écriture saccadée. Je n'en peux plus de cette guerre. Dieu sait que j'aime mon pays mais tous mes camarades tombent un à un. Un homme ne devrait pas pleurer mais je suis un Marius qui a perdu ses amis de l'ABC. Oh Diane, si rayonnante. J'ai bien reçu votre colis. Merci pour tout. Je lirai le livre pendant les bombardements. Quant à votre doux portrait, il séjourne entre ma capote et mon coeur. J'observe la photographie, de temps à autres. Dès que l'on passe un regard par dessus mon épaule, on me demande « C'est ta môme ? ». Je réponds alors que oui. Ne vous offensez pas, je vous en prie, mais vous êtes bien la dernière personne qui me tient éveillé.

Que je me décrive ? Et bien ... je ne suis plus le paysan d'autrefois. Il fut un temps où mes cheveux étaient de la couleur des blés et mes yeux de la marée d'été. Aujourd'hui, les blés ont terni et la mer polluée par l'inconscience de l'humanité. J'étais bel homme, maman disait. Elle était la fille de l'ancien maire du village. Depuis sa mort, la famille a hérité gros et cela m'a permis de faire des études. Puis, j'ai été enrôlé et les allemands l'ont faite prisonnière, ainsi que papa. Fils unique, j'étais. L'avenir de la ferme reposait sur mes épaules mais je préférais jouer de la flûte à mes heures perdues, étendu sur le foin, entre Marguerite et Pétunia, nos deux chèvres naines. Embarquées par les Boches. Et croire que ma petite Pétunia a sûrement fini en ragout dans la cantine d'un de ces malotrus !

Agréez, ma douce Diane, à mes sentiments des plus distingués. Je vous embrasse.

Votre dévoué Marius »

Ma chère MarraineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant