25 Avril, Paris

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« 25 Avril, Paris

Mon cher Marius,

Appelez-moi comme vous le souhaitez auprès de vos camarades, jamais je ne serais offensée. Les filles, à l'usine, me parlent de leurs époux, leurs fils, leurs amants. « Qu'il est courageux ! », « Il a fait la bataille de la Marne, vous dis-je. Un héros ! », « Il a été médaillé, mon Fi-Fi-Figaro. ». Mais elles ne savent pas que l'un voit une autre femme ou que l'autre est mort dans la matinée. Elles font leur éloge, surtout pour se rassurer. Je garde alors le silence, de peur qu'il vous soit arrivé quelque chose. Si je venais à vous perdre, je me sentirais seule, à nouveau, et il serait injuste de marrrainer un autre soldat. Madeleine, une charmante jeune fille, une amie, est la marraine de quatre français ! Deux brigadiers, un sergent et un général ! Pour eux, ils sont les seuls et les uniques. Pour elle, c'est une drôle de collection ! Elle garde les lettres sur une petite étagère, comme un lépidoptériste qui cloue ses papillons à son mur. C'est terrible.

J'espère que vos parents se portent bien quant à Pétunia et Marguerite, toutes mes condoléances. En leur mémoire, je vous envoie une flûte en bois blanc. Jouez pour elles. Ci-joint également une partition, composée par mes soins, ainsi que quelques paroles. Soyez indulgent, je vous prie, ma plume n'égale pas à celle de Rimbaud. Je jouerai du violon quand vous soufflerez dans l'objet mélodieux.

Pétunia, belle dame des campagnes, femme lubrique
Tes courbes, ton regard profond et ta douce chevelure
Sont l'axiome de la supra-humanité séraphique
Dont on entend parlé de tous côtés, de Brest à Tahure

Pétunia, drôle femme des champs, ma foi plutôt comique.
Tes mots me rendent hilare, mon amour, ma vie, mon futur.
Le bal du village nous ouvre ses portes, dame magnifique,
Où les copains tenteront de t'aborder, si peu matures.

Pétunia, paysanne d'ici et là, tu as le chic
De graver les esprits de ton sourire, femme des plus mures.
Et ton charmant minois ! Tout beau, tout angélique.

Pétunia, Demeter de France, entends donc la musique
Du violon et de la flûte, mélodie des plus pures,
Sur laquelle tu danses, mon ange, ma môme, ma bique.

Dans l'espoir de vous avoir rendu le sourire.
Bien tendrement,

Diane »

Ma chère MarraineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant