Epilogue

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   - Accélère !

   - Je fais ce que je peux !

   - Dépêche-toi où il atterrit sur la banquette arrière !

   - C'est bon, on y est !

   Je sentais les contractions se manifester de plus en plus vite. Je serrais le bras d'Eliott à lui écraser les os. Mon Dieu, mais qu'il sorte !

   J'avais tout de même de l'appréhension. J'avais un peu peur de la césarienne, mais aussi de ce qu'il pourrait se passer. S'il était arrivé à terme, je n'aurais eu aucune crainte ; mais étant donné que le bébé avait un mois d'avance, je m'inquiétais. Eliott serrait ma main dans la sienne, en me disant que tout allait très bien se passer, et qu'il serait là. Le travail avait commencé il y a à peine un quart d'heure, alors qu'Eliott et moi étions tranquillement sur le canapé. J'avais senti quelque chose dans mon ventre, et une sensation d'humidité me couvrir l'intérieur des jambes. Je venais à peine de réagir que lui comme moi avions déjà compris. C'était bien d'avoir un petit ami qui se trouvait être votre Âme-Sœur Fusionnelle. 

Quelques semaines après l'annonce de la grossesse à Eliott, avec lui, Yumi et Li, j'ai rencontré la communauté Immortelle locale. Le plus drôle avait été la découverte de la relation d'Eliott et moi. Mais ce qu'on avait omis de nous dire, c'était que le « phénomène » des Âmes-Sœurs Fusionnelles ne s'était pas reproduit depuis sa découverte, c'est-à-dire depuis environ trois cents ans. Et la cerise sur le gâteau, ça avait été l'euphorie qu'avait suscité ma grossesse. C'était la folie, au siège de la communauté ! Tout le monde criait, dansait... Mon enfant allait être le premier à naître d'une union entre deux Âmes-Sœurs Fusionnelles. Bon, j'avais eu du mal à digérer, mais je m'y suis faite.

À peine avais-je eu posé un pied sur le sol de l'hôpital, après avoir marché sous une pluie battante de la voiture jusqu'à l'entrée, que l'infirmière qui était à l'accueil bondit de sa chaise, se précipita sur moi et demanda toute une équipe de la maternité. Je me cramponnais à Eliott, une main sur le ventre. Eliott arborait déjà un hématome important sur l'avant-bras. L'infirmière me posait plein de questions, mais les contractions toujours plus fortes m'empêchaient de lui répondre, et ce fut Eliott qui s'en chargea.

   Après, tout fut très rapide : on me mit sur un brancard, et on m'emmena. J'avais l'impression d'avoir fait le tour de l'hôpital tellement ça m'a paru long.

   Mais bon.

   - C'est un garçon…

   Eliott était assis sur mon lit, à côté de moi, les yeux brillants. J'étais complètement exténuée. Eliott avait dû poireauter quatre bonnes heures avant qu'il puisse me voir. Ça avait duré un moment, mais tout s'était bien passé, et comme je m'y attendais, mon bébé était en parfaite santé – sa condition d'Immortel l'avantageait.

   Il était si beau ; ce petit être me semblait si fragile, si délicat. Ses petits yeux étaient encore bleus, mais j'y distinguais sans peine les nuances de mauve et de violine qu'il arborerait plus tard. Il avait quelques cheveux – sans surprise, noirs comme les miens et ceux d'Eliott – mais ses traits étaient un mélange entre ceux de mon visage et ceux de celui de son père. Il avait ses yeux, sa bouche, mais possédait mon nez, mes oreilles… C'était le mien. C'était mon enfant. Notre fils.

   - Tu le veux ? demandai-je à Eliott.

   Il accepta, sans voix. Je lui tendis le bébé, que je tenais contre ma poitrine depuis quelques minutes. Il le saisit avec des tremblements nerveux. Le bébé avait les yeux grands ouverts, et son petit bonnet bleu un peu trop grand lui tombait sur les cils. Eliott serra l'enfant contre lui. Il se pencha pour l'embrasser sur le front. Au moment où il ferma les yeux, une larme dévala sa joue à toute vitesse et vint éclater sur la joue de son fils. D’un geste que je voulais léger, j’essuyai sa larme égarée. Moi aussi, j’avais la larme à l’œil.

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