5 : une bicyclette, Cerbère et une Peugeot

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Vendredi 16 septembre 

ARIEL RÊVAIT DE son meilleur ami et de leur mésaventure avec un rottweiler – un animal qui à l'époque était sujet à une possession démoniaque, selon Odin – quand une main froide vint brutalement s'abattre sur ses lèvres et l'arracher du sommeil dans un cri étouffé. Un regard pétillant de diablerie persista quelques secondes sa valse devant ses prunelles somnolentes et il regretta presque de devoir le chasser d'un clignement de yeux. Il se concentra sur les doigts qui lui écrasaient la bouche. Au-dessus de sa tête, le velux ne propageait pas le moindre rai de lumière et l'idée qu'Ariel subisse une autre farce des ostrogoths qu'il côtoyait depuis quinze jours le propulsa une énième fois au-devant d'un imprévu qui l'angoissait.

Réfléchissant à une solution ingénieuse qui pourrait le tirer d'une potentielle future nuit blanche – à faire dieu seul sait quoi – aux côtés de Camille jusqu'à la métamorphose complète de sa cervelle en gélatine, Ariel fut surpris de percevoir une odeur d'acétone remonter jusqu'à ses narines et le faire grimacer. Et alors qu'il saisissait le poignet qui lui censurait la parole dans l'optique d'exprimer bruyamment son indignation, plusieurs paires de mains traîtresses s'emparèrent de sa couverture et l'enroulèrent tout autour de lui. Emprisonné dans l'épaisseur de sa couette, Ariel se sentit aussitôt décoller du matelas et la sensation soudaine qu'il éprouva de s'élever dans les airs lui soutira un rire ahuri.

Rire très vite remplacé par un gémissement de douleur lorsque l'un de ses assaillants nocturnes ne fit pas correctement son travail en lâchant sa prise trop tôt. Sa tête et son dos percutèrent sourdement le plancher alors qu'on maintenait toujours fermement ses pieds. L'éclat de rire franc et railleur qui s'ensuivit fut l'ultime indice pour Ariel qui attendit patiemment qu'on vienne le libérer de sa prison de tissu. Quand Alexis agrippa la couverture pour le balancer sur la couchette de sa victime, elle découvrit Ariel qui brandissait fièrement une paire de majeurs devant son nez avec un air furibond. L'adolescente n'eut pas le temps d'effacer l'expression provocante qu'elle aimait afficher dans ce genre de situation qu'Ariel se libérait de l'étreinte exercée sur ses jambes pour balayer celles de la jolie blonde.

— Je te jure... s'échauffa-t-elle après s'être lamentablement écrasée sur le sol.

— Que quoi ? persifla Ariel en se frottant paresseusement les yeux. Que tu vas te venger en niquant tous mes cycles de sommeil de ce mois-ci ?

Le sarcasme dans sa voix fut pire aux yeux d'Alexis que la chute qu'elle venait d'encaisser. Elle entreprit de lui sauter dessus quand deux bras ceinturèrent sa taille de guêpe avec une facilité qui ne fit qu'amplifier son envie d'en découdre.

— Sérieusement, vous la nourrissez avec quoi ? reprit Ariel en continuant sur sa lancée instigatrice.

Il s'assit en tailleur sur le sol et décocha à Alexis son plus innocent sourire.

— Qu'est-ce que t'attends pour te libérer et venir me mettre une raclée ?

Mathis – qui s'employait à contenir une furie nocturne plus agitée encore qu'un chien qu'on aurait affublé de chaussons – darda sur Ariel une paire d'yeux suppliants.

— Putain mais à la base... voulut se défendre Alexis avant d'être interrompue pour la seconde fois en l'espace de quinze secondes.

— Langage ! s'exclama Camille en jaillissant d'un carré d'obscurité.

Son amie cessa finalement de se démener et inspira profondément par le nez. Puis, elle eut une petite moue pincée et se munit de son air le plus hautain.

— Messire, je suis actuellement la cible de ce goujat qui je vous le rappelle était supposé subir le courroux de notre coutume ancestrale ! reformula-t-elle en adoptant un accent ridicule.

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