Ma sœur, ma rivale

6.

Lucas

Pourquoi j'ai choisi le parc ? Parce que c'est l'un des seuls endroits où chacun est libre de vivre sa vie normalement. Chacun gère son camp.

Les célébrités ne le sont pas vraiment. Du moins, pour ma part, toutes les fois où j'y suis allé, j'étais Lucas et pas Lucas Mandengue fils, l'héritier coureur de jupons, le plus convoité du Cameroun.

Bref, raison pour laquelle j'ai choisi le parc sans hésiter. De plus, le parc de Bonandjo est le plus calme, raison de plus.

Je gare mon bolide entre la banque et le parc. J'éteins le contact avant de suivre Amalia qui est déjà hors du véhicule.

La verdure du paysage, l'esprit naturel des choses. Chacun vie sa vie, se mêle de ses affaires. Il y a une paix succulente.

Je m'assieds sur le premier banc vide que nous croisons, Amalia fait de même.

Son regard est fixé devant elle, elle observe les activités autour de nous. Des vendeurs ambulants, des personnes qui sont allongés sur certains bancs non loins de nous, l'eau de la fontaine qui coule doucement.

Ses lèvres se plies entre elles, ces lèvres qu'elle n'a pas cessé de remuer dans la voiture à chaque chanson qu'elle écoutait. J'ai affaire à une mélomane ! Intéressant.

Depuis la salutation de l'habitacle, ça a été le silence radio, de son côté comme du mien. Je ne savais pas quoi dire, en même temps.

Pour une première impression, c'était un peu gênant. Mais on comprend juste que nous sommes deux personnes qui ne se connaissent absolument pas.

- je voulais que nous discutions tous les deux dans le calme. Je brise finalement le silence pesant entre nous.

Ma phrase attire son attention. Elle pose ses yeux sur moi. Ce qui m'énerve et me plait en même temps, c'est sa capacité à camoufler ses émotions. Je n'arrive jamais à lire dans ses yeux. Elle est comme un livre secret qu'il ne faut pas toucher.

Mais moi j'aime les dangers et je compte bien le toucher.

- c'est bien la première fois que je vois Mandengue fils dans un espace public. Son sourire est sadique.

Cette fille est si mystérieuse, je ne l'ai pas encore vu rire aux éclats. Pourtant, ce qui m'attire chez une fille c'est sa bonheur humeur, son sourire. C'est toujours agréable à regarder.

Et puis pourquoi elle m'appelle sans arrêt Mandengue fils ? Je préfère Lucas. Mon nom c'est Lucas. Mandengue fils c'est pour la presse. Les médias.

- Lucas. Je rectifie posément. Comme je t'ai dis il y a plusieurs choses que tu ne connais pas de moi malgré les médias.

Je m'adosse confortablement sur le banc et elle me suit en apportant son pied vers elle.

- je te laisse alors le bénéfice du doute Lucas. Cette fois-ci elle met l'accent sur mon prénom. Sans doute pour me faire comprendre qu'elle a compris. Surprends moi.

Je ris légèrement. Sa façon de me dire ce " surprends moi" est comme si rien de ce que je lui dirai, ne la surprendra, comme si elle me connaît par cœur.
Tant de sarcasmes en une phrase.