Bonus : éloge de Henry Morgan

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Ce texte a été rédigé dans le cadre du concours hiver 2018 organisé par LaPlumeEncree

La consigne était la suivante :

Dans un court texte, de maximum 1500 mots, nous voulons que vous proposiez l'éloge ou le blâme d'un de vos personnages.Mais attention, pour compliquer un peu l'histoire, nous souhaitons que vous fassiez :

- soit l'éloge d'un personnage que vous détestez ;

- soit le blâme d'un personnage que vous adorez.


J'ai choisi de partir sur un éloge, il me fallait donc un personnage détesté. J'ai hésité un moment à partir sur le roi bokor, mais je me suis rendue compte qu'en tant qu'auteur, j'aimais finalement bien ce grand méchant. J'ai donc élu Henry Morgan comme officiellement le personnage que je hais le plus dans cette histoire. Accrochez-vous donc pour lire l'éloge qui en résulte.

Avertissement !

Ce texte contient quelques spoilers sur l'histoire. J'estime que pour les lecteurs ayant déjà atteint le chapitre 28, les informations nouvelles n'auront que peu d'impact sur leur plaisir de lecture, mais sachez que vous apprendrez malgré tout des éléments concernant la fin de l'histoire.

* * *

Éloge de Henry Morgan

Laissez-moi vous conter, lecteurs, les actions mémorables et les nombreuses qualités d'âme d'une des plus nobles sommités de ce roman : j'ai nommé sir Henry Morgan. Sans doute avez-vous déjà entendu ce nom ? Peut-être même imaginez-vous tout savoir de cette figure célèbre de la flibuste anglaise ? « Un pirate assoiffé de sang » diront les uns, « un loyal serviteur de son pays » affirmeront les autres. Il a été qualifié tour à tour d'infâme coquin et de sage gouverneur. Certains témoignent de sa tromperie, tandis que d'autres louent ses talents de stratège. Chevalier, mais aussi homme du peuple, Morgan se révèle un personnage aux multiples facettes. Je souhaite, par ces quelques lignes, apporter toute la lumière sur sa destinée extraordinaire et, par cette occasion, vous amener à découvrir le grand capitaine qui se cache derrière la façade tant galvaudée.

Car qui pourrait être plus digne d'éloges que ce fils de fermier gallois, parti de rien, qui a remporté par sa détermination, son astuce et son courage, les plus hautes distinctions ? Son nom circule dans toute l'Angleterre comme synonyme d'ardeur et de bravoure. Les Espagnols tremblent à sa simple évocation et préfèrent jeter les armes plutôt que de l'affronter. Le roi Charles lui-même, impressionné par son audace devant les plus farouches ennemis de la couronne, l'a élevé au très respectable, très honorable et très prestigieux rang de chevalier.

Henry Morgan a conquis sa place par le fer, la poudre et le sang, sans la devoir à personne d'autre que lui. Nulle patiente éducation pour ce loup des mers, mais de fidèles compagnons de bordée en guise de maîtres, des cris d'abordage en guise de leçons, la blancheur immaculée des voiles et le miroitement des vagues en guise de livres.

Par sa hardiesse, il s'est emparé, au péril de sa vie et à la pointe du sabre, de fortunes à faire pâlir d'envie Midas. Par sa valeur, il a rassemblé sous sa bannière les flibustiers les plus redoutables et les plus renommés de toutes les Caraïbes. Par son dévouement, il a guidé l'île de la Jamaïque vers une ère de paix et de prospérité sans précédent.

Voyez paraître, lecteur, cet homme au port altier, à la moustache frémissante, à l'œil vif, à la main sûre ! Les années ne lui ont rien retiré de sa superbe ! Bien au contraire, elles l'ont drapé d'un manteau de majesté qui attire les regards, qui exalte ses subordonnés, qui séduit même les plus viles crapules. Sa prestance n'a d'égale que sa ruse. A-t-on jamais connu esprit plus aiguisé ? Ulysse lui-même voudrait de lui pour maître. Il est un écureuil habile, il est un renard futé, il est un éléphant puissant - que dis-je, un éléphant ? Il est le très retors et très redouté dragon jailli des légendes.

Sa simple présence honore ce livre comme un gage d'aventures épiques et de victoires audacieuses. Quelle gloire incontestable pour nos héros que de se mesurer à pareil adversaire ! Qui mieux que lui pourrait incarner l'esprit de conquête des flibustiers, la fièvre de l'or maya, la main d'un destin impitoyable ? Tel Richelieu face à d'Artagnan, tel Iago face à Othello, tel Pâris face à Achille, Henry Morgan personnalise la némésis ultime qui cristallise tous les tourments. Sans lui, cette histoire serait une table à laquelle il manque un pied, une tempête dans un verre d'eau, un repas sans épices.

C'est lui qui brave sans frémir, le front auréolé d'innocence, la colère inique de son ancienne amante.

C'est lui qui noue ses filets autour de ses alliés d'autrefois avec l'habileté d'un prestidigitateur.

C'est lui qui reste impavide devant les jeux charnels de la sensuelle Erzulie, ose défier ses maléfices pour la plier à sa volonté et triompher de l'écailleux Damballah Vedo.

C'est lui qui abat son ennemi d'une balle en plein cœur, à plus de vingt pas, dans une prouesse que Guillaume Tell lui-même ne renierait pas.

C'est lui, enfin, qui s'enfonce - sans peur et sans reproche comme Bayard avant lui - dans les profondeurs englouties de la cité d'Atlantide pour en moissonner les trésors inestimables.

Alors, lecteur, inclinez-vous devant tant de virtuosité et préparez-vous à savourer la galanterie avec laquelle Henry Morgan quitte ces pages, tout en finesse et bienveillance, pour céder le devant de la scène à d'autres, bien moins talentueux que lui.

Mon humble éloge ne saurait rendre hommage comme de juste à une si illustre figure, mais il aura, j'espère, permis de lever le voile sur sa personnalité inégalée et ses glorieux faits d'armes. Désormais, ne prêtez plus l'oreille aux détracteurs de cette légende hors du commun et gardez en votre cœur le souvenir de ses exploits. Que sa destinée unique reste à jamais le reflet de ses qualités incomparables !


[Sous contrat] L'œil du dieu serpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant