Le naufrage

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« -Jungkook. Partons. Demain. »


Jungkook avance lentement, s'assurant que Taehyung le suit. Il respire l'air frais qui s'offre à lui en rafales de brise. L'herbe est verte et la rosée gelée caresse ses pieds. Il tend la main, Taehyung s'y accroche. Une plaine infinie s'offre à eux et le soleil se lève au loin, répondant à l'appel de l'amour. Jungkook dans un élan incontrôlable serre la main de Taehyung et se met à courir. Tout ce monde qui s'offre à eux est merveilleux. Au loin, une forêt de sapins majestueux qui se dressent et restent fiers. Et là, à leurs pieds, un lac gelé. L'hiver est tombé. De la fumée s'échappe de leurs mots et s'évapore aussi rapidement qu'un souvenir. Ils respirent enfin. Le froid sec s'immisce dans leur regard et fixe cet instant. Ils se contemplent et un flocon vient se glisser entre leur visage. Il se pose sur les lèvres de Taehyung et fond lentement. Jungkook vient caresser les vestiges de ce fragment gelé. Ils se multiplient, s'écroulent au sol comme une tempête douce. Taehyung lève le visage.

« -Tu penses que ce sont des morceaux d'étoiles qui tombent?
Moi j'y crois. »

Jungkook ne sait pas s'il y croit. Mais les étoiles sont dans ses yeux, et lui feraient admettre tout fantasme poétique. Avec lui rien n'est insensé. Les flocons se déposent dans ses cheveux qui s'illuminent, poussière d'étoiles. Jungkook n'osant plus y croire ferme les yeux. Quand ils les rouvre, Taehyung est là, aimant. Ils sont dans le musée. Et un tableau devant eux. Un paysage d'hiver.





« -Jungkook. Partons. Demain. »





Comme le sol est froid. Mais ils ne s'en rendent pas réellement compte, allongés dans le regard de l'autre. Comme le monde est laid. Mais ils ne veulent plus se rendre compte, fascinés par ce qu'il se passe dans leurs pupilles. Comme la matrice semble loin. Mais ils ne pensent plus à la matrice, émerveillés par chaque détail des oeuvres et de la leur.

Jungkook et Taehyung ne vivent plus en dehors du musée. Le monde n'est plus rien et plus les jours passent plus leurs visites artistiques durent. La matrice ne dit rien.

Ils se frôlent timidement et s'embrassent. Téméraires baisers de l'art.





« Jungkook. Partons. Demain. »





Jungkook marche lentement dans les allées blanches. Il est seul. Il l'attend patiemment, admirant les statues. Il y a la guerrière sur laquelle les doigts de Taehyung ont couru. Soudain il entre. Explosion. Soudain ils s'aiment plus qu'hier. Eruption. Soudain plus rien ne compte vraiment. Contemplation.

Il lui prend la main et l'emmène dans cette pièce imprévisible. Chaque seconde est une couleur de plus dans leur palette d'inspiration. Taehyung semble heureux et son sourire illumine l'espoir de Jungkook plus encore que les néons insensibles. Ils voudraient que jamais ces instants ne cessent. Ils voudraient s'allonger sous les crépuscules imaginaires sans avoir à fuir. Ils voudraient s'aimer sous le pourpre d'une aubade éperdue. Ils voudraient que la matrice ne soit plus.


Mais la matrice ne part pas.


Ils arrivent à cette pièce.

Ils sont frappés par la violence du tableau.

Ils sont frappés par la vérité de chaque trait.

Ils sont frappés.

Cette oeuvre n'est qu'un reflet de leur vie.








Naufrage.








Cette oeuvre n'est qu'un reflet de leur vie. Le silence s'installe et Taehyung se plonge dans les yeux inquiets de Jungkook. Jamais l'oeuvre n'avait semblé aussi réelle.

Crépuscules imaginaires - TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant