Brindille - Partie 3

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Elle lui tourna le dos sans demander son reste et s'engouffra dans la classe à la suite de ses camarades pour aller s'installer sur un banc au fond de la classe. Elle se hâta de déposer son sac sur la chaise voisine et commença à déposer ses affaires sur son bac : le cahier de note au centre, son plumier bien à droite, sa bouteille d'eau vers la gauche, sa paire de lunettes juste au-dessus de son cahier et elle attendit que le prof s'installe à son tour.

- Je peux ?

Oh non !

­Milo venait de se planter à côté de sa chaise voisine et pointait son sac du doigt. Heureusement elle avisa Marie qui lui faisait de grands signes au premier banc. C'étaient les deux seules places disponibles.

- Marie est prête à t'accueillir à bras ouverts.

Il se tourna vers la première de classe.

- J'ai des problèmes de vue, lui lança-t-il avec un sourire presque trop poli. Je ne vois pas bien de près.

Ana soupira malgré elle, s'empara de son sac et le suspendit sur le côté de son banc tout en évitant le regard assassin de Marie.

Boudeuse, elle s'empara de ses lunettes, les enfonça sur son nez et s'empara d'un stylo, prête à prendre note du moindre truc que dirait le professeur, histoire de se donner une contenance.

C'était sans compter sur le rire moqueur de son voisin. Elle lorgna sur lui.

Il pointait ses lunettes.

- Ce n'est pas Brindille qu'on aurait dû t'appeler mais mamie.

Sa remarque fut suivie d'un rire général de la classe. Ana rougit et eut envie de vomir. Il ne pouvait pas juste se taire ?

- Mamie Brindille ! s'exclama Brice.

Elle refoula les larmes de rage qui lui montaient aux yeux et tourna la tête vers le mur. Même le nouveau avait compris quelle était la place de sa voisine mais étrangement, c'était la première fois que les moqueries de quelqu'un la mettaient dans une telle irritation.

***

Une semaine passa. Puis deux.

Elle avait de nouveau réussi à se fondre dans le décor. Elle avait troqué ses jeans devenus moulants par des pantalons plus larges, des pulls délavés et sans forme. Elle nouait ses cheveux, portait constamment ses lunettes et ne portait aucun bijou.

La première semaine, Milo tenta de l'ennuyer, de la faire réagir mais elle l'ignora. Elle ne sut pas comment elle parvint à tenir mais plus les jours avançaient plus elle mourrait d'envie de le gifler, de le griffer, de lui arracher la langue. Elle n'avait jamais connu ce côté sauvage en elle. Mais elle parvint à le dompter. La semaine suivante, il ne lui adressa même pas la parole, s'étant sans doute fait une raison, observant simplement Marie la tourmenter. Ana s'en était fait une habitude.

Un soir, en milieu de semaine, Ana se prépara à se rendre à la salle de la ville. Sa mère l'avait obligée à prendre des cours de danse pour la « décoincer » un peu. Qui plus est, elle ne s'était pas contentée de l'inscrire pour des cours individuels mais des danses de couple. Ana avait d'abord refusé puis s'était dit que finalement, c'était un bon moyen d'échapper à l'ambiance lourde qui régnait chez elle, entre les crises d'hystéries quotidiennes de sa mère et l'état amorphe de son père qui ne pipait mot.

Sa mère l'arrêta dans l'entrée.

- Ana ! Tu te fiches de moi ?!

La jeune fille sursauta et pivota vers sa mère qui s'était arrêtée dans l'entrée de la cuisine, une cuillère en bois en main.

- Quoi ?

- Je veux bien que tu ailles à l'école dans ce genre de tenue. C'est toujours mieux qu'une robe à ras des fesses. Mais là, quand même fais un effort !

Ana baissa les yeux sur sa tenue. Baskets, training, pullover trop large, cheveux en chignon désordonné. Elle haussa les épaules.

- Je vais pas à un défilé !

- Crois-moi bien que beaucoup de mes connaissances sont là-bas et je ne te laisserai pas sortir comme ça. Viens avec moi.

- Maman !

- Viens !

- Mais je vais être en retard...

Sa mère fonça sur elle, s'empara de son bras, l'obligea à la suivre à l'étage, dans la chambre parentale. Elle ouvrit sa garde-robe, fit glisser pensivement ses doigts sur quelques robes puis s'arrêta, l'index en l'air et s'empara d'un cintre.

- Voilà ce que je voulais.

Elle lui tendit une robe rouge carmin, au décolleté arrondit, des manches mi-longues et qui semblait s'évaser jusqu'à la moitié des mollets.

- Je n'ai même pas rasé mes jambes.

Elle sortit comme par magie une paire de bas noirs et lui lança.

- Maintenant file t'habiller ! Et mets un peu de maquillage. Ça te fera du bien.

Ne désirant pas être à nouveau rappelée à l'ordre, elle s'exécuta, mit un peu de fond de teint, un trait d'eye-liner et un peu de mascara et dévala les escaliers, les yeux sur sa montre.

- Philippe, vas conduire ta fille à son cours, elle va être en retard. Et toi, Ana, lâche tes cheveux, tu fais négligée.

Cette dernière soupira, obéit et suivit son père qui était sorti sans un mot.

- Tu es magnifique, ma fille, se contenta-t-il de dire lorsqu'elle quitta l'habitacle.

Ses paroles lui firent plus de bien que n'importe quelle conversation père-fille.

Amours de jeunesse - RecueilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant