Amours de jeunesse - Recueil

Ours Brun - Partie 4

Minuit

Noa ne parvint pas à s'endormir. Sans doute la sieste de l'après-midi. Ou cette ambiance au souper qui la taraudait, cet étrange parallélisme entre le patron respecté, presque craint, et le père qu'elle avait vu assis à table.

Après s'être retournée dans tous les sens, elle décida de se lever. Elle avait soif et besoin de marcher.

Elle enfila donc un large pull au-dessus de sa chemise de nuit et descendit dans la cuisine. La maison était dans le noir, tout le monde semblait dormir. La lampe torche de son GSM l'aida à s'éclairer. Après deux grands verres d'eau, elle alla un peu sur la terrasse, respira l'air frais de la nuit puis, elle remarqua la lampe de la remise au fond du jardin allumée. Son patron devait l'avoir oubliée. Elle y alla donc pour l'éteindre. Elle trouva la porte entr'ouverte et s'arrêta net dans son élan pour entrer.

D'effroi, Noa plaqua une main sur sa bouche.

Lui tournant le dos, Seth était là, au milieu de la pièce, assis sur un tabouret, le dos courbé, les coudes sur ses genoux, ses cheveux humides pendant dans le vide. Il était uniquement vêtu d'un short. Le regard de Noa resta accroché au tableau que lui offrait son dos. Une œuvre détestable, peinte de bleu et de rouge. Sur le sol, un bâton qui devait être à l'origine de cette création monstrueuse.

Après son moment d'ébahissement, Noa entra dans la pièce et s'approcha doucement. Son premier geste vu de poser une main sur une épaule encore vierge de toute trace violente. Mais la réaction de Seth ne fut pas celle attendue, il bondit sur ses pieds, renversant le tabouret, les cheveux dans les yeux, ses mains tendues devant lui.

- Seth ! C'est Noa, n'aies pas peur.

Les épaules du jeune homme s'affaissèrent, ses mains tombèrent le long de son corps. Ses côtes étaient couvertes de bleus. Il garda la tête rivée vers le sol, ne laissant rien paraitre de ses traits.

- Pars !

Sa voix était un râle.

- Je ne partirai pas, s'exclama Noa.

La surprise faisait maintenant place à la colère. Une colère qu'elle n'avait jamais connue.

- Qui t'a fait ça ?

- Pars...

- Hors de question ! Je ne laisse personne dans cet état.

Elle vit ses poings se serrer, comme s'il rassemblait ce qu'il lui restait de force. Il redressa la tête. Son arcade sourcilière était ouverte, du sang coulait sur la moitié de son visage.

Noa ne put s'empêcher d'aller à lui. Il tenta de reculer, acculé au mur.

- Va-t'en ! hurla-t-il. Laisse-moi !

Des larmes de rage coulèrent le long des joues de Noa. Elle n'avait jamais vu pareille horreur et le voir souffrir ainsi lui fendait le cœur.

- Je ne pars pas ! répondit-elle plus fort que lui. Tu vas venir avec moi et on va te soigner. Tu ne peux pas rester comme ça.

Il serra les dents, la fusilla du regard. Il semblait tellement en colère envers elle qu'elle aurait eu peur si elle n'était pas sûre qu'il était incapable de faire du mal à une mouche.

- Fais-moi confiance, Seth, tu peux compter sur moi.

- On ne peut compter sur personne...

Elle décida de ne pas relever et l'emmena au chalet.

- Où est ta chambre, demanda-t-elle.